Plénière sur le SRADDET – Propos liminaires de Jean-louis Pagès
Intervention de Jean-louis Pagès en séance plénière du 6 mai 2019
Monsieur le président, cher.e.s collègues,
L’urgence écologique devient enfin un sujet politique, comme en témoigne le G7 environnement qui a débuté hier à Metz, et la conférence emplois, activités des territoires et transition énergétique et écologique qui démarre ce matin à Matignon (elle fait suite aux demandes de la CFDT en novembre dernier, d’une conférence sociale et environnementale).
Mais peut-on en attendre des résultats à la mesure de l’enjeu ? Il y a quelques minutes la publication du dernier rapport qui clôture la 7e séance plénière de l’IPBES, Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, qui regroupe 180 états membres, sonne l’alarme sur l’état de la biodiversité et sa nécessaire préservation.
Ce rapport pointe l’effarante réalité qui nous attend : un million d’espèces vivantes sont menacées d’extinction. D’ici à 2025, donc demain, on pourrait avoir jusqu’à 50 % de baisse de rendement agricole si on ne fait rien, notamment parce qu’il n’y aura plus de micro-organismes dans les sols, qui sont indispensables aux plantes. Les changements d’usage des terres, l’exploitation directe de certains organismes, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes en sont responsables.
Un changement de modèle agricole et d’urbanisation est indispensable. Disons-même un changement de société. En serons-nous capables collectivement ?
Mais parlons de Nouvelle-Aquitaine, aujourd’hui même la LPO et Charente-Nature Environnement communiquent que dans l’ex-région Poitou-Charentes, 44 % des oiseaux nicheurs sont menacés d’extinction. Près d’un sur deux parmi les 178 espèces étudiées. Le constat est sans appel : même les espèces communes et emblématiques comme l’alouette des champs subissent désormais « un déclin marqué ». Le bruant ortolan, autrefois très présent dans la Vienne et les Deux-Sèvres, frôle aujourd’hui l’extinction. Comme l’outarde qui a, elle, perdu 90 % de ses effectifs en moins d’un demi-siècle.
L’artificialisation des sols, la disparition des zones humides, l’intensification des pratiques agricoles et le recours aux produits phytosanitaires sont à l’origine de cette hécatombe.
Ces priorités sont au cœur de Sraddet. Si l’usage du territoire et son aménagement sont au cœur de ce schéma, et la chute de la biodiversité est le baromètre de cette inéluctable dégradation. Notre conception écologiste des territoires tourne résolument le dos à ces modèles productivistes qui reposent sur l’exploitation intensive de l’énergie carbonée : des décennies de métropolisation, de constructions de zones commerciales en périphérie de déménagement des campagnes et de construction de milliers de kilomètres de routes.
Monsieur le président, vous avez expliqué que les écologistes ont rédigé plus des trois-quarts de ce Sraddet, comme une mère inquiète voulant rassurer son partenaire sur sa paternité et mettant en avant ses airs de famille, pour l’inciter à reconnaître l’enfant.
Eh bien même si le président de cette assemblée était issu de notre groupe, il ou elle ne serait pas de toute façon pleinement satisfaite de ce document : en effet sa nature même et ses enjeux d’acceptabilité pour les territoires le font se placer forcément en-deçà de ce qui serait nécessaire pour tenir compte de l’urgence.
Nous devons l’assumer et nous allons expliquer cela tout à l’heure lorsqu’on passera au détail des objectifs et des règles.
Bien sûr, d’autres Sraddet sont allés beaucoup plus loin en prônant par exemple l’objectif de zéro artificialisation nette des terres, c’est un risque de rompre le lien avec certaines collectivités territoriales, figés encore sur des modèles de développement qui sont dépassés, dont les amendements de certains groupes politiques vont faire ici retentir l’écho.
Ce n’est pas notre choix pour la simple raison que cet objectif nécessaire d’un arrêt total de l’artificialisation des terres qui grignote l’équivalent du département du Finistère tous les dix ans, et concourt à l’effrayante éradication de notre biodiversité, ainsi qu’au réchauffement climatique, va apparaître naturellement lors de la prochaine révision du Sraddet au début de la prochaine mandature.
Ce Sraddet gravit donc une première marche ambitieuse, et nous soutiendrons les efforts de la Région en ce sens, pour convaincre et accompagner les collectivités. Et il va y en avoir besoin, au vu des difficultés que connaissent déjà certaines régions pour convaincre les collectivités de jouer le jeu d’un modèle de développement non fondé sur la consommation foncière.
Ce schéma n’est donc pour nous qu’une première étape, nous savons que la nécessité aveuglante de précipiter la transition, va s’imposer à tous, et il paraîtra même un peu timoré dans quelques années. Nous avons contribué avec l’aide précieuse et l’intelligence pragmatique de Laurence Rouède à démêler le possible du souhaitable, à faire en sorte qu’il ne soit pas contradictoire avec NeoTerra qui se doit d’être encore plus volontariste car il s’agira alors des politiques régionales.
Mes chers collègues dans ce Sraddet on parle beaucoup d’écologie et de transition, et les élu.e.s écologistes sont très satisfaits d’y voir affirmés certains principes fondamentaux à la mesure de l’urgence : je pourrais citer les priorités sur l’usage de l’eau, qui est destiné tout d’abord à être utilisée dans ses usages potables, ensuite pour préserver les espaces naturels, et seulement en dernier ressort pour les usages industriels et agricoles.
Ou encore le crantage des priorité de la trilogie « Éviter–Réduire-Compenser » de la loi biodiversité de 2016 qui est rappelé à tous. Ou bien la priorité des installations photovoltaïques sur des terres déjà artificialisées. Les écologistes sont satisfaits car, bien évidemment, nous soutenons tout ce qui va dans le sens d’une politique territoriale qui part de l’exigence d’égalité et de résilience des territoires : réduction du foncier, transports du quotidien, gestion de l’eau sur la base d’un projet de territoire…
Nous saluons aussi la priorité plusieurs fois affirmée dans ce Sraddet à la sobriété et à l’évitement des consommations, qui doit être au coeur de tout projet de transition écologique, puisque la réponse n’est pas que technologique mais passe par un changement de modèle de société.
Nous allons détailler dans nos futures interventions les différents volets de ce Sraddet :
- 1- Paquet éco, mobilité etc.. qui permet d’évoquer les questions d’économie (au sens large : industrie, commerce, artisanat, tourisme, agriculture etc…) en transition et de proximité, projet territorial (services, mobilité santé etc…) ;
- 2- Paquet transition qui permet d’aborder la préservation de nos ressources naturelles et le vivant au travers des questions d’énergie et d’environnement (sobriété énergétique, hydrique, biodiversité etc).
Nous avons aussi déposé des amendements qui suivent les »lignes directrices » de notre projet écolo sur l’aménagement du territoire : en effet nous ne nous retrouvons pas dans certains items, symboliques, comme la GPSO ou le développement des plateformes aéroportuaires, qui correspondent à une vision des territoires fondée sur la métropolisation, et la chimère du « ruissellement » des grandes infrastructures sur les territoires, en plus d’être irresponsables d’un point de vue climatique.
Mes chers collègues le danger est à nos portes, alors que nous débattons chaque minute compte, nous ne pouvons plus attendre. Il est crucial que cette urgence devienne notre principale préoccupation. Nous sommes convaincus que ce Sraddet en est le premier acte, et nous participerons avec détermination et enthousiasme à NeoTerra de juillet.
Je vous remercie.
[Seul le prononcé fait foi]