Propos introductifs de Christine Seguinau

Monsieur le président, cher.e.s collègues,

« Demain il sera trop tard ! ». Ce cri d’alarme, lancé il y a déjà 35 ans par les scientifiques est, devenu un cri de colère de la société civile. Les responsables politiques ne peuvent plus l’ignorer : si nous ne réduisons pas nos émissions de gaz à effet de serre, dès maintenant, « Demain il sera trop tard ! ». Et aujourd’hui, nous sommes presque demain.

Entre 2015 et 2018 pourtant, la France – qui a porté fièrement l’accord de Paris – n’a même pas respecté ses propres objectifs de réduction des émissions. Depuis, et cette année encore, le gouvernement a repoussé ces objectifs d’au moins trois ans. La politique climatique nationale pourrait se résumer ainsi : beaucoup de communication pour cacher l’inaction. Mais en novembre, le Conseil d’État a sommé le gouvernement de prouver que les mesures prévues sont suffisantes pour respecter notre trajectoire bas carbone.

Dans le monde, 2019 a battu tous les records en termes d’émissions de gaz à effet de serre et température. La baisse de 7% des émissions mondiales attendue pour cette année n’est que la conséquence directe de la pandémie. Ce n’est qu’un trompe-l’œil : beaucoup, à Paris ou dans cet hémicycle, n’attendent qu’un retour à la normale alors qu’il est urgent de repenser nos modes de production et de consommation.

Les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat sont détricotées. Ce nouveau renoncement, aucun referendum ne pourra le masquer. La plupart des mesures reprises dans le projet de loi sont vidées de leur sens ou ignorées, comme le retour de la consigne ou l’obligation des travaux de rénovation thermique adossé à un plan de financement ambitieux et pérenne.

Pourtant, comme l’évoquera Françoise Coutant en vous présentant le nouveau dispositif d’aides régional la rénovation du bâti est un levier indispensable pour réussir la transition énergétique.

Autre illustration avec ce plan de relance national qui est à l’ordre du jour avec sa déclinaison régionale.

Le Haut Conseil pour le Climat estime que 70% des mesures « contribuent à poursuivre la production et la consommation sans conditionnalités, ce qui ne permet pas d’infléchir les émissions » et s’inquiète des « verrouillages dans des activités fortement émettrices », notamment avec des aides très importantes accordés aux secteurs de l’aérien et de l’automobile sans contreparties environnementales suffisantes.

Pourtant choisir une trajectoire d’augmentation de 1,5° ou 2° C ce n’est pas un choix anecdotique. On ne parle pas du thermostat d’un logement, mais de la température du globe.

Une différence d’un demi-degré à la fin du siècle, c’est 2 semaines supplémentaires de canicules, un tiers d’inondation en plus, 250 millions de personnes sans accès régulier à l’eau et des centaines de millions de réfugiés climatiques supplémentaires et des conséquences dramatiques sur la biodiversité et notre production alimentaire.

À la catastrophe climatique qui vient s’ajoute une catastrophe sociale qui est elle, est déjà là. Nous allons devoir revoir nos priorités et faire preuve d’autant de volontarisme que celui que nous avons affiché pour sauver le monde économique depuis ce printemps.

Cet automne, notre groupe a convaincu le Président de financer en urgence les associations caritatives. Des associations qui sont devenues le dernier recours pour des millions de françaises et de français qui n’ont simplement plus les moyens de se nourrir.

Nous regrettons donc que ce contrat de plan de relance ne comporte pas un ambitieux volet social. L’État et les collectivités ne peuvent pas uniquement aider les premiers de cordées. Il faut agir pour combattre l’isolement des jeunes, chômeurs, apprentis, étudiant·es dont la vie est entre parenthèse depuis plusieurs mois. Les mesures que nous prendrons aujourd’hui sont indispensables et nous devons les renforcer rapidement.

Où est la culture ?

Autre acteur que ce plan ignore trop : la culture. Alors qu’elle est un des secteurs les plus florissants de notre économie, la culture est sans cesse sacrifiée par le gouvernement. L’absence de planification de réouverture claire provoque la colère d’un monde artistique qui se sent aujourd’hui méprisé. Comment, dans un pays qui s’enorgueillit de sa laïcité, peut-on justifier d’avoir ré-ouvert les lieux de cultes mais pas les cinémas ? Les protocoles sanitaires des lieux culturels depuis le déconfinement ont pourtant été jugé parmi les plus sûrs.

Croit-on encore que seule la foi permet l’épanouissement ? Qui peut croire qu’un musée pourrait se transformer un cluster ? Les musées sont fermés, mais leurs boutiques-souvenirs peuvent ouvrir…

Nous assistons à une inversion de l’exception culturelle française : de valeur cardinale, la culture devient un bien non essentiel. Cette logique problématique et illisible du gouvernement de distinguer des produits et services essentiels de ceux qui ne le seraient pas, atteint, ici son paroxysme. La culture est un élément indispensable à nos vies. Notre existence sociale ne se limite pas à la consommation : nous avons besoin de penser, d’éprouver, d’exister ensemble. Sauver le monde culturel devra être une priorité de notre collectivité ces prochaines années.

Si je dénonce l’inaction du gouvernement face aux catastrophes climatiques et sociales, c’est que le paradigme qui le guide se retrouve dans cet hémicycle. La déclinaison du plan de relance que nous allons examiner soulève les mêmes problèmes. Bien trop de mesures dans ce plan sont en contradiction avec nos objectifs NeoTerra. Il y a de très bons projets mais le vieux monde a la peau dure. J’y reviendrai tout à l’heure.

Et toujours les bassines

La gestion de la ressource en eau est un autre indicateur de la prise de conscience climatique. Notre groupe écologiste et citoyen a pris acte des récentes déclarations du Président qui semble écarter un financement par la Région des 16 retenues de stockage (ou « bassines ») du bassin de la Sèvre-niortaise.

Mais nous resterons très vigilants. D’autant que la possibilité de mobiliser des fonds européens dédiés au développement rural (FEADER) pour financer cette opération n’a toujours pas été écartée. Le Président Rousset pourrait lancer l’instruction de ce dossier sans même consulter notre assemblée.

Le fait que l’État semble prêt à financer ce projet, y compris sur le plan de relance et le « quoi qu’il en coûte » donne bien la mesure de l’ambition gouvernementale en matière d’écologie et d’agriculture. Les lobbies productivistes qui ont conduit à la démission de Nicolas Hulot continuent de faire la pluie et le beau temps !

NéoTerra et HVE

Cela transparait aussi dans la priorité donné au label HVE (Haute valeur environnementale) par rapport à la certification bio.

Rappelons que pour obtenir les objectifs de NéoTerra, et notamment zéro produits phytosanitaires de synthèse en 2030, il est urgent de massifier le passage en bio pour accélérer la transition agrobiologique la plus efficiente.

Le HVE est une étape, certes importante pour sensibiliser les exploitants, mais ces conditions sont trop peu contraignantes pour changer rapidement et significativement les pratiques, puisque qu’il est possible d’utiliser des pesticides de synthèse jusqu’à 30% du chiffre d’affaire.

Il peut laisser penser que le chemin pour la transition est fait alors que la marche à franchir est encore immense !

Et à ce titre, il ne contribue pas à renforcer la relation de confiance entre consommateurs et producteurs agricoles.

Eco-socio-conditionnalités et conventions pluriannuelles

Ces alertes sur le décalage entre les objectifs fixés et les moyens mis en œuvre pour les atteindre, nous les martelons aussi depuis le début du mandat.

Tout comme nous réclamons sans cesse l’extension des éco-socio-conditionnalités.

Et que l’on ne nous fasse pas passer pour des bureaucrates, qui voudraient complexifier l’accès aux aides pour les petites entreprises et associations.

Cela n’a jamais été notre demande ! Une proportionnalité des conditions en fonction de la taille des structures est évidente.

Nous ne doutons pas que ces conditions favoriseront l’orientation des aides vers ces petites structures, qui sont souvent bien plus exemplaires en matière de responsabilité environnementale et sociale que les grandes entreprises.

La généralisation des éco-socio-conditionnalités permettraient surtout, de sélectionner les bénéficiaires d’aides régionales en fonction de la réalité de leur activité sur notre territoire, et non pas à partir d’une présentation comptable et de l’adresse d’un siège social.

Mais force et de constater que nous ne sommes pas entendus sur ce sujet.

Certes, nos demandes finissent souvent par être prises en compte mais le timing interroge souvent.

Ainsi, nous sommes heureux de voir que cette plénière est l’occasion d’engager plusieurs conventions pluriannuelles, comme nous le réclamions depuis longtemps. Mais, à quelques mois des prochaines élections, engager la future majorité dans des conventions aussi longues ne nous paraît pas être une bonne pratique démocratique. Une reconduction d’une année de ces conventions aurait été plus adaptée.

Voeux

Enfin, je souhaiterais conclure par une rapide intervention sur les vœux que nous étudierons demain. L’épuisement que nous ressentirons demain en fin de séance ne nous permettra pas d’avoir des échanges à la hauteur des enjeux présentés dans ces textes.

Je saluerai d’abord l’initiative du groupe socialiste sur le cannabis thérapeutique, et le travail d’Eric Corréia. Le développement d’une filière chanvre dans notre territoire est stratégique.

J’espère que ce débat sera l’occasion de sortir des positions dogmatiques et d’avoir un échange serein sur notre avenir agricole et nos politiques de santé publique.

J’évoquerai également notre vœu appelant au retrait de la loi Sécurité globale, que Stéphane Trifiletti vous présentera demain. Si le débat se focalise sur les restrictions que l’article 24 fait peser sur la liberté d’informer, bien d’autres mesures menacent nos libertés individuelles. C’est tout l’esprit autoritaire de cette proposition de loi que nous devons dénoncer.

Avec ses caméras, ses drones, ses images floutées, sa course à l’armement, cette loi éloignerait encore un peu plus les citoyen·ne·s de leur police. Il est urgent de rétablir le dialogue, la confiance, la proximité entre la population et les forces de l’ordre, qui doivent redevenir des gardiens de la paix.

Enfin, le vœu « Une seule santé » que nous portons également appelle à tirer les leçons de la pandémie actuelle : la multiplication des zoonoses – comme le COVID, la grippe aviaire, Ebola ou le VIH – est liée à la destruction massive des habitats naturels et au développement de l’agriculture intensive. Ces maladies prospèrent sur les maux déjà produits par la société de consommation comme l’asthme, le diabète ou l’hypertension. Leur diffusion est amplifiée par la pollution de l’air, de l’eau et des sols.

Pour construire le monde d’après, nous ne devons pas seulement nous attaquer aux conséquences des maladies, mais agir également sur leurs causes profondes. Cette vision globale de la santé, qui relie santé humaine, animale et environnementale, est une stratégie mondiale promue par l’ONU sous le nom d’ « Une seule santé » : One Health. Elle doit devenir un fil conducteur de nos politiques régionales. Laurence Motoman y reviendra demain

Cher·ères collègues, j’espère que vous serez nombreuses et nombreux à voter ces vœux et à ne pas manquer d’ambition face aux crises sociales et climatiques.

Je vous remercie.

[Seul le prononcé fait foi]