Poitiers – 24 mai 2016
Nicolas Thierry présente RECITA, le réseau de l’économie circulaire dans les territoires de la grande région ALPC.
Discours de Nicolas Thierry à l’occasion de cette présentation.
Monsieur Poitevin, délégué régional de l’ADEME,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais débuter mon intervention en insistant sur le plaisir qui est le mien d’être ici ce soir.
Cette soirée de lancement est en effet le fruit d’un réel travail collaboratif sans lequel nous ne serions pas ici. Des acteurs comme le Centre International de Ressources et d’Innovation pour le Développement Durable, l’association Aquitaine croissance verte, les services des 3 ex-régions, la DREAL Limousin, l’ADEME…etc… ont tous assurés un rôle précieux. Derrière ces organismes ou institutions, bien sur il y a des hommes et des femmes qui ont déployé leur énergie, quelques remerciements particuliers donc, non exhaustif bien sûr, à Sian Gadafi, Alexandre Dain, Sophie Terrieux, Denis Cocconcelli ou encore Marie-Christine Boutheau.
Nous avons tous ce soir, je l’espère en tout cas, une conscience aiguë du paradoxe de notre temps : souhaiter une croissance infinie dans un monde clos, fragile et aux ressources limitées. En effet en deux siècles, l’Humanité a atteint un niveau de sophistication technologique inégalé mais dans le même temps, ce système économique a généré une quantité de déchets inégalés. La situation impose une modification en profondeur de notre système productif faute de quoi notre société franchira un seuil d’irréversibilité. L’ampleur de la tâche ne doit pas nous tétaniser mais au contraire nous pousser à libérer notre inventivité. Je pense sincèrement que la contrainte, les différentes crises que nous vivons, n’est pas l’ennemie de la créativité, elle en est la condition.
L’économie circulaire ouvre justement ce champ des possibles dans lequel nous pouvons projeter notre meilleure énergie.
L’idée est simple et particulièrement puissante : remplacer une économie linéaire, qui dans un même mouvement épuise les ressources et accumule les déchets, pour faire émerger un modèle dans lequel le réemploi est la pierre angulaire de l’activité économique. Un monde dans lequel les mines du futur ne sont plus les entrailles de la Terre mais située autour de nous, dans nos produits, nos murs, nos voitures, nos objets du quotidien. Un modèle qui finalement rapprocherait notre système productif du fonctionnement équilibré et quasi cyclique des écosystèmes naturels. Oui, nous parlons en réalité de biomimétisme ou de bioinspiration.
Prenez par exemple, un arbre. Ses feuilles, ses déchets, tombent au sol quand elles fanent. Elles deviennent alors des nutriments organiques pour d’autres organismes, les microbes, qui s’en nourrissent et redonnent à leur tour de précieux nutriments qui profitent à la terre et aux végétaux. La boucle est ainsi bouclée. Oui, les systèmes naturels fonctionnent et prospèrent à travers la complexité. Comparée aux solutions standardisées de la révolution industrielle et à l’uniformité, vers laquelle nous tendons trop, la Nature encourage une abondance de variété et de diversité presque infinie. Les systèmes naturels sont ainsi plus résilients et démontrent une fabuleuse capacité d’adaptation.
Appréhender notre économie comme un métabolisme biologique, nous oblige à renverser notre vision et oser considérer les déchets comme des ressources, des nutriments pour l’avenir. Un point de vigilance me semble essentiel à pointer à ce stade. Pour être considéré comme une ressource, et que la notion de déchets disparaisse, les produits doivent être élaborés dés l’origine de manière éco-conçue. Sinon, il n’est pas concevable de créer un cercle vertueux avec un flux de matière présentant dés l’origine une certaine toxicité. Au même titre que l’obsolescence programmée n’a pas non plus sa place dans ce nouveau modèle « cradle to cradle », ou du berceau au berceau. Bref, nous devons avant tout chose concentrer notre énergie sur l’éco-conception, c’est un préalable incontournable sans lequel l’économie circulaire a grande échelle n’existera pas.
Cette réflexion, autour d’un changement d’échelle de l’économie circulaire, est plus que jamais au cœur des préoccupations actuelles du Conseil Régional depuis que l’institution régionale est chargée par la loi NOTRe de mettre en place un plan unique de prévention et de gestion des déchets. Ce plan régional, sur notre territoire, se substituera à 27 actuels plans existants : 12 plans départementaux des déchets non dangereux, 12 plans départementaux des déchets du BTP et 3 plan régionaux déchets dangereux. La nouveauté et la plus-value de ce futur plan régional sera justement son volet relatif à l’économie circulaire.
La grande région voit dans l’économie circulaire une formidable opportunité pour créer des nouvelles synergies au sein de ce territoire qui vient de voir le jour. L’un des défis de cet immense territoire est de dégager des complémentarités soit dans le cadre de filières, pourquoi pas dans le cadre d’éco-parcs industriels mais surtout au niveau des territoires. Cette dimension est importante car on s’aperçoit là que l’économie circulaire, au-delà des conséquences industrielles et économiques, peut aussi devenir un puissant outil d’aménagement du territoire.
Tout cela ne relève pas de l’utopie, car l’économie circulaire est déjà expérimentée avec succès ici et là. Précisons une nouvelle fois que ce qui serait utopique serait de continuer sur la base du modèle actuel. Nous devons maintenant et concrètement fédérer les énergies et s’appuyer sur l’intelligence collective. C’est précisément l’objectif du réseau de l’économie circulaire en Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes et de sa plateforme numérique RECITA. Nous nous dotons ainsi d’un véritable outil de gouvernance territorial qui va nous permettre de capitaliser et d’échanger autour des bonnes pratiques, de promouvoir les réalisations et de contribuer à la mise en réseau d’acteurs qui peut-être jamais n’auraient au l’occasion de se rencontrer.
Bref, vous l’avez compris cette soirée de lancement est, je l’espère, la première pierre d’une réelle dynamique qui peut-être fera de notre région un fleuron de la transition écologique.
Je vous remercie.