Intervention relative à l’Appel à Manifestation d’Intérêt pour l’expérimentation de démarches socialement innovantes en Aquitaine Limousin Poitou-Charentes
Par Martine Alcorta – Intervention en séance plénière du 27 juin 2016.
Monsieur le Président, cher-es collègues,
Il vous est demandé dans cette délibération d’approuver un outil, qui sera la première étape, de notre politique d’innovation sociale et sociétale de la grande Région. L’innovation sociale était présente lors de la mandature précédente dans nos trois ex-régions, il s’agit maintenant de faire converger ces différentes initiatives.
L’innovation sociale est encore un mot valise dont il est important de préciser les contours. Selon les textes officiels qui y font référence, nous trouvons deux racines à l’innovation sociale et sociétale. La politique régionale de l’innovation sociale et sociétale, souhaite s’inscrire dans la logique de chacune de ces deux dynamiques, elle sera une politique transversale.
La première nous vient des textes européens, je cite M. Barroso : « Il s’agit de reconnaître l’innovation en général et l’innovation sociale en particulier comme facteur de croissance durable, de création d’emplois et de renforcement de la compétitivité de nos territoires ». L’innovation « non technologique » est une expression parfois utilisée pour définir l’innovation sociale au service de la compétitivité des entreprises et de leur performance économique.
Dans le cadre de notre précédent « Appel à Manifestation d’Intérêt », nous avons ainsi soutenu l’entreprise ADAM. Cette entreprise a fait du capital humain un levier de croissance. Elle a conçu une méthode managériale innovante fondée sur la parole donnée aux salariés et leur implication aux décisions de l’entreprise. Pour cette entreprise, il ne fait aucun doute que la performance sociale de l’entreprise contribue à sa performance économique. Elle a mis en pratique un principe théorique de la motivation au travail. Pour augmenter la motivation, on peut agir sur des leviers de motivation externe comme des récompenses (augmentation de salaire par exemple) mais également sur des leviers de motivation interne (augmenter la maîtrise et le sens des activités des salariés). L’entreprise Adam a su parfaitement impliquer ses salariés et les responsabiliser à la vie de l’entreprise. En cherchant à améliorer la compétitivité de son entreprise, elle a, de surcroît, créé des externalités positives, en améliorant le bien-être au travail de ses salariés. Cette innovation sociale, au cœur même d’une PME régionale, est la démonstration de l’intérêt que représente l’innovation sociale pour nos politiques économiques régionales.
Mais l’innovation sociale prend aussi sa source dans une autre définition, celle que le Conseil supérieur de l’Économie sociale et solidaire, acteur historique de l’innovation sociale, nous propose :
» L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers ».
La logique et les objectifs sont différents car ce sont des plus-values sociétales et sociales qui sont recherchées et elles ne concernent plus exclusivement le marché du travail.
Je prendrai en exemple deux innovations qui ont également été soutenues dans le précédent Appel à Manifestation d’Intérêt :
- « Tsara » est une application gratuite que chacun peut télécharger sur ses tablettes et qui vise à faire connaître et comprendre le monde particulier des enfants autistes, et cela de façon ludique. Elle est une aide précieuse à l’accompagnement de ces enfants au développement atypique, que ce soit dans un environnement professionnel ou familial. Sans l’apport de la région, le projet n’aurait pas été possible. Au-delà de son aide financière, son soutien a aussi été un gage de confiance pour entrainer les autres financeurs, la région a donc pleinement rempli sa mission d’effet levier.
L’intérêt de cette innovation, dans le cadre de notre compétence de formation, saute aux yeux, voilà un outil précieux pour des formations aussi diverses, que celle des enseignants, des auxiliaires de vie scolaire, des éducateurs, infirmières…
- Autre innovation, celle que représente l’association « Supercoop ». Supercoop est un supermarché de produits bio et locaux. Son innovation va bien au-delà de cette première dimension. Elle vise un autre objectif : comment permettre une consommation de produits bio à un coût inférieur à celui du marché traditionnel ? La réponse apportée par Supercoop est la suivante : créer une coopérative de consommateurs, où ces consommateurs sont aussi les distributeurs. En donnant 3 heures de temps par mois, chacun peut devenir coopérateur et consommer sain et moins cher. Pour investir dans l’entreprise et devenir coopérateur, on ne demande pas de l’argent mais du temps de travail. Cela nous rappelle les Castors qui avaient construit leurs maisons en s’aidant les uns et les autres et surtout en faisant de leur temps de travail, le capital d’investissement. C’est toujours plus équitable socialement parlant que de demander un capital financier.
L’intérêt de cette innovation sociale pour nos politiques de santé, mais aussi économiques, est évident. Nous soutenons en effet, par ailleurs, l’installation d’agriculteurs bio et la commercialisation de leurs produits. Nous entendons parfois, qu’il y a un risque à augmenter l’offre sans se préoccuper d’élargir la demande. Or, nous savons aussi qu’un des obstacles à l’augmentation de la demande des produits bio réside encore aujourd’hui dans leurs prix légèrement supérieurs aux produits traditionnels. On ne peut donc que se féliciter d’une innovation qui dynamise le marché des produits bio et peut permettre de réconcilier l’économie locale et l’environnement.
Enfin, comme pour l’innovation technologique, le rôle de la Région est de mettre en relation le secteur de la recherche avec ces pratiques innovantes. Pour l’innovation technologique, la recherche scientifique permet de mettre au point des innovations et de les diffuser sur le marché économique. Il peut en être de même pour l’innovation sociale, la recherche en Sciences humaines peut aider à la diffusion de ces pratiques dans la société. La politique d’innovation sociale de la région se doit de favoriser ce lien entre recherche en Sciences humaines et pratiques sociales innovantes. A l’image de ce qu’est devenu le « transfert technologique » dans la recherche universitaire, nous pouvons prétendre à créer « un transfert sociétal », et donner ainsi à la recherche en Sciences Humaines une valorisation sociétale au-delà de ses objectifs de recherche plus fondamentaux.
Je vous remercie.
[Seul le prononcé fait foi]