Intervention de Léonore Moncond’huy en séance plénière du 25 juin 2018

Monsieur le président, chèr·e·s collègues,

Monsieur le président, depuis notre dernière séance plénière, deux événements importants ont eu lieu. Des événements qui feront date – il y aura un avant et un après. Des événements qui nous obligent à agir, et à reconsidérer nos priorités politiques.

Je parle premièrement la remise du nouveau rapport AcclimaTerra le 1er juin dernier, à laquelle vous avez présidé aux côtés de Françoise Coutant. C’est un rapport qui nous permet désormais de bénéficier d’indicateurs étayés, précis, sur les effets que nous devons attendre des dérèglements climatiques, sur nos territoires. Et les constats sont malheureusement sans appel.

Je parle ensuite du premier rapport provisoire EcoBiose, le pendant d’AcclimaTerra mais sur la biodiversité, qui vous a récemment été remis aux côtés de Nicolas Thierry. Vous avez à cette occasion dit que « Jusque-là, on portait surtout la réflexion sur les réserves naturelles et l’agriculture biologique. Il faut qu’on aille au-delà, et qu’on accompagne l’agriculture vers un mode de transition agro-écologique ».  Passer d’une écologie de niche à une écologie levier de la transition globale d’un système, là est bien l‘enjeu, et nous ne l’aurions pas mieux dit !

A partir de maintenant, nous ne pourrons pas dire, chers collègues, que nous ne savions pas, et de manière précise, ce qui nous attendait. Ces rapports engagent notre responsabilité vis-à-vis des jeunes générations.

AcclimaTerra et EcoBiose pointent des constats, inéluctables pour la plupart. D’ailleurs on ne parle plus de « lutter contre » le changement climatique, mais de s’ « adapter », d’  « atténuer », surtout à l’échelle d’une Région. Les bouleversements climatiques qui nous attendent, sur nos territoires, à Limoges, La Rochelle, la Souterraine, Bayonne, Poitiers, Bergerac, appellent une réponse non pas idéologique, non pas partisane, mais bien pragmatique et responsable.

Nous avons les constats, et nous ne devons également éluder aucune responsabilité quant à ces bouleversements climatiques, qui ne doivent rien au hasard. Mais nous, écologistes, lanceurs d’alerte depuis si longtemps sur ces enjeux aujourd’hui reconnus, nous l’affirmons aussi depuis toujours : face à ces constats, des solutions existent.

Des décisions qui vont dans le sens de nos responsabilités climatiques et environnementales

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous saluons nombre de votes auxquels nous procéderons aujourd’hui et demain, qui sont des décisions importantes. Ces décisions vont dans le bon sens au regard de nos responsabilités climatiques et environnementales.

  • La stratégie sur l’eau, en premier lieu. Le rapport AcclimaTerra dresse un portrait de ce que seront les enjeux de la gestion de l’eau dans 5, 10, 20, 30 ans. Nous aurons des étiages plus sévères et plus longs. Nous subirons une diminution des précipitations annuelles, et une modification du régime de précipitations sur l’année, avec un fort impact des diminutions sur l’hiver. A mesure que les températures augmenteront, l’évapotranspiration augmentera de même, et contribuera à diminuer les stocks en surface. Face à la raréfaction de la ressource, nous connaîtrons une pression croissante sur les usages de l’eau et notamment l’eau potable, dont la consommation augmentera avec les températures moyennes… Face à cela, le rapport préconise une gouvernance de l’eau réellement solidaire, solidaire entre les différents usages, solidaire entre les différents territoire, amont et aval.

Le texte que nous voterons aujourd’hui est un premier pas vers cette solidarité. Nous nous réjouissons que la stratégie de l’eau de la Nouvelle-Aquitaine ne permette pas d’octroyer des financements régionaux aux grands projets inutiles que sont les « bassines » : les projets de stockage dédiés à l’irrigation en Deux-Sèvres, Vienne et Charente-Maritime. Ces projets, en effet, ne permettent pas un partage de l’eau équilibré entre les différents usages, et ne contribuent pas à la transition vers une agriculture plus responsable et adaptée aux enjeux climatiques.

  • Nous souhaitons aussi saluer la délibération sur la stratégie foncière. Osons le dire : c’est une avancée remarquable. Car là encore, AcclimaTerra est terriblement éclairant (p.289) : sur la métropole bordelaise, la densité d’habitants a été diminuée par deux, et la surface urbanisée multipliée par quatre depuis les années 1970. En Limousin, depuis les années 1960, la consommation de terres par l’urbanisation y a été 2 fois plus important que la moyenne nationale, et la zone urbaine de Limoges a augmenté 4 fois plus vite que le nombre d’habitants ! Et lorsque la ville s’étale, les terres agricoles disparaissent, la dépendance à l’automobile augmente, et l’artificialisation des sols a des conséquences catastrophiques sur la résilience de nos territoires face à des événements climatiques sévères, comme les orages de ces dernières semaines. Protéger résolument nos territoires de l’étalement urbain sauvage et rationaliser notre utilisation de l’espace est urgent et impératif. Cette délibération, pionnière en France, est un grand pas pour notre Région.
  • Dernier exemple, en ce qui concerne les associations d’éducation nature pour un développement soutenable (ENEDS) : nous pouvons nous féliciter, Monsieur le Président, que vous ne soyez pas Laurent Wauquiez ! Le monde associatif a besoin de visibilité sur le long terme, a fortiori lorsqu’il contribue à la priorité environnementale de votre mandat. Nous saluons donc votre/notre engagement renouvelé en faveur des associations qui oeuvrent à éduquer à la protection de la biodiversité, par des conventions pluriannuelles qui assurent pérennité, confiance, et objectifs partagés entre la Nouvelle-Aquitaine et ces partenaires.

Des constats qui serviront de boussole pour nos orientations politiques

Pour tout cela, nous pouvons être fiers d’appartenir à la Région Nouvelle-Aquitaine, dont l’ambition en matière de transition énergétique, dont la rigueur scientifique vis-à-vis du climat et de la biodiversité, dont l’engagement volontariste pour une évolution de l’agriculture avec le Pacte ambition biologique, sont nationalement reconnus. Nous faisons déjà notre part, il faut maintenant redoubler d’exigence et d’ambition.

Au nom du groupe écologiste et citoyen je le réaffirme aujourd’hui : ce sont ces constats scientifiques, et les préconisations qui en découlent, qui constitueront la boussole de nos orientations politiques. Nous souhaitons, et nous engageons le conseil Régional à nous suivre, que chacune de nos décisions soit mesurée à l’aune de sa contribution à l’atténuation du changement climatique et de ses effets d’une part, à la survie de la biodiversité d’autre part.

Car si nous avons l’optimisme de la volonté, et l’énergie de l’espoir, il nous faut aussi avoir le courage d’agir à la mesure de l’urgence de la situation.

Le courage d’abandonner le financement d’énergies du passé – énergie pétrolière, transport aérien – pour redonner par exemple le réflexe du ferroviaire à nos concitoyens et aux entreprises de notre territoire, ou soutenir les déplacements à vélo de nos collaborateurs ;

Le courage de dire NON à certains groupes de pression qui défendent, parfois si bien, des intérêts particuliers, pour soutenir l’intérêt général de notre humanité ;

Le courage de se battre contre l’inertie technocratique qui guette nos institutions, parfois si décourageant lorsque l’on pense à l’urgence d’agir. A nous, élu-e-s, d’engager l’ensemble de notre institution dans ce grand mouvement.

Mais aussi…

Le courage dire OUI à une politique sincèrement construite à l’échelle des territoires, car les scientifiques nous le disent aussi : on ne gagnera pas la bataille climatique sans y associer pleinement les citoyens et l’ensemble de la société civile. La transition écologique allie étroitement échelle locale, et échelle globale, et notre gouvernance doit être le reflet de cette confiance partagée. Les contrats de territoire, qui commencent enfin à être déployés lors de cette plénière, sont un outil plein de potentiel à cet égard, si on leur en donne les moyens.

Ainsi climat et biodiversité, confiance en les territoires et les citoyens, sont les points cardinaux qui guideront notre action.

La « transition », pour reprendre votre mot Monsieur le président, est un mot à la mode, beaucoup en parlent, comme si le dire suffisait à avoir un effet performatif. Mais mettre nos énergies en commun pour accélérer, concrètement, la disparition des anciens modèles est pourtant fondamental, car nous devons tirer les conséquences, toutes les conséquences, de ce que les scientifiques nous disent. Il est encore temps d’agir pour que le futur de notre Région soit vivable pour vos petits-enfants, pour vos enfants, pour que la Région que nous connaîtrons nous, jeunes générations, soit vivable, et résiliente.

Je vous remercie.

[Seul le prononcé fait foi]