Intervention de Jean-Louis Pagès : feuille de route pour un numérique responsable 2020-2022
D’ailleurs, ces feuilles de routes successives depuis le SRDEII du début de la mandature, puis de la feuille de route numérique, ou de la cybersécurité, peignent à petites touches cette évolution de nos prises de conscience collective.
Le numérique avait été vu jusqu’à présent ici comme une simple opportunité d’augmentation du PIB et une ressource de créations de nouveaux emplois, sur lequel il fallait aveuglément miser, en dépit de toutes les admonestations des écologistes pointant l’irréversible toboggan sur lesquels nous entraînent les GAFAM pour le monde occidental, dominé sans partage par les USA, ou les BATX chinois, et en l’absence de tout calcul de la création d’emplois nette que cela représentait à terme.
Le numérique ne pourrait-il donc que provoquer un enthousiasme béat ou un refus catégorique et dogmatique ?
Les écologistes pensent qu’il est urgent de dépasser cette vision manichéenne dans lequel on voudrait nous enfermer et d’initier enfin un véritable débat.
Cessons de faire du progrès technique un dogme non questionnable, de prétendre que les nouvelles technologies sont intrinsèquement neutres. Le numérique peut être un formidable outil d’émancipation comme un énième instrument de domination. Et les élus politiques feraient preuve de courage et d’exemplarité en se posant en garant des libertés de leurs concitoyens.
Cette feuille de route a pour objectif d’inciter les acteurs de cet « écosystème numérique » à devenir responsables, en suivant les approches développées par l’Institut du Numérique Responsable de La Rochelle qui fait un travail de fond sur le sujet. On ne peut qu’encourager nos collègues à suivre sur leur site leurs MOOC fort bien faits sur ces sujets, nous les y renvoyons.
Nous voulons aborder plutôt ici un autre aspect de la « responsabilité », mot évoqué des centaines de fois dans le document, « responsabilité » qui ne se limite pas selon nous à la définition assez restrictive de l’INR qui serait juste, je cite, « la réduction de l’empreinte écologique et sociale des technologies de l’information et de la communication. »
Au pays de Jacques Ellul, nous proposons d’aller au-delà de la réduction pour aborder la réflexion ; la réflexion et le débat.
Assumer notre devoir de préparer l’avenir en prévoyant des dispositifs qui permettent de prendre du recul par rapport aux évolutions technologiques, c’est ce qui manque la plupart du temps dans nos décisions : nous finançons des chaires dans tous les domaines des technologies de pointe, toujours techniques, et rarement de chaires de sciences humaines pour amorcer sur nos territoires une analyse sociale et sociétale sur les conditions de leurs mises en œuvre, comme on le voit sur le partenariat Naquidis qu’on évoquera tout à l’heure.
D’ailleurs, le projet de déploiement de la 5G, sur laquelle nous reviendrons en fin de séance, a vu de courageuses collectivités écologistes prendre enfin des positions politiques au bon sens du terme : de nombreuses questions environnementales et socio-techniques entourent cette nouvelle technologie. C’est un enjeu d’aménagement du territoire et d’impacts de nos usages numériques, voire même un projet implicite de société dont les citoyens et leurs représentants doivent s’emparer.
Au-delà des discussions sur les modes de financement des start-up de la high-tech et plutôt que de subir passivement les pressions des lobbies industriels. les écologistes demandent que la Région organise sur son territoire des lieux de débat de fond avec les acteurs du numérique et les Néo-Aquitains sur le modèle de la Convention citoyenne pour le Climat : une sorte de Convention citoyenne sur le numérique.
Moyennant ce rappel à la vigilance et au débat, le groupe écologiste votera en faveur de cette délibération.