Contribution publique : Chasse au blaireau en Lot-et-Garonne
Courrier envoyé le 2 mai 2022, à l’attention du Préfet du Lot-et-Garonne et du Directeur départemental des territoires
Le blaireau d’Europe, Meles, meles, est un petit ours de nos campagnes. Discret, nocturne, paisible, il se nourrit de vers et petits fruits. Il a 2 ou 3 petits par portée, ce qui constitue une faible dynamique des populations. Il vit dans des terriers qui impressionnent par leur savante construction et qui sont des lieux de riche biodiversité, car abritant d’autres espèces en interdépendance.
La littérature scientifique* qui concerne cette espèce indique que non seulement les jeunes blaireaux de l’année ne sont pas complètement sevrés au 15 mai mais qu’ils restent dépendants de leur mère, pour survivre, au minimum jusqu’au mois d’août. Les jeunes restent généralement plus longtemps avec leur mère lorsque les étés sont secs. D’autre part, la mortalité juvénile constatée sur cette espèce est très importante, de l’ordre de 50 % la première année, due principalement au trafic routier.
Dès lors, l’instauration d’une période complémentaire de vénerie sous terre pour en réguler les populations paraît en total décalage avec la réalité. Elle peut venir affecter des effectifs déjà très affaiblis et contribuer à sa disparition dans le département.
Nous notons d’ailleurs que la note de présentation du projet d’arrêté ne mentionne aucun recensement précis du nombre d’individus de l’espèce en Lot-et-Garonne. Elle fait mention d’une estimation des populations qui aurait une tendance à l’augmentation sur 25 ans. Mais, problème, cette estimation est avancée par les déterreurs et les gestionnaires de territoires de chasse, c’est-à-dire ceux qui sollicitent l’allongement de la période de vénerie. Il n’est absolument pas possible de considérer comme valables des chiffres fournis par des parties directement intéressées. Pour pouvoir justifier d’une nécessité à réguler, il faudrait a minima avoir un comptage préalable et sérieux des populations concernées.
La note de présentation voudrait aussi démontrer que cette période complémentaire de vénerie sous terre ne peut pas mettre l’espèce en péril ; mais force est de constater que rien dans cette
note ne vient étayer cette affirmation : ni comptage préalable, ni garantie sur le nombre d’individus qui seront tués. Tout juste une estimation, encore une, de 200 blaireaux qui seront massacrés (terme plus juste, en la matière, que l’euphémisme « prélèvement », comme nous le verrons plus bas).
Nous rappelons que le blaireau est une espèce protégée par la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ratifiée par la France en 1990.
Alors que les dégâts invoqués pour justifier de le chasser dans une période qui met en péril les juvéniles, comme expliqué ci-dessus, ne sont pas précisément décrits ni quantifiés pour le département du Lot-et-Garonne, nous souhaitons attirer votre attention sur les techniques simples permettant de les éviter : cordelettes enduites de répulsif autour des cultures, répulsifs
olfactifs sur les rares terriers posant problème pour les digues, routes ou ouvrages hydrauliques.
Ces techniques de dissuasion connues des associations de protection de l’environnement, ont également été documentées par l’office national de la chasse. Il existe donc bien des alternatives à l’extension de la période de chasse pour remédier à d’éventuels dégâts. En conséquence, les conditions de la dérogation ne sont pas remplies et cette période complémentaire pour la vénerie sous terre semble incompatible avec le respect de la Convention de Berne. Nous rappelons que l’exercice récréatif de la chasse ne peut en aucun cas constituer un motif de dérogation.
La vénerie sous terre est particulièrement cruelle : elle inflige un stress et des souffrances extrêmes aux animaux qui sont traqués et acculés dans leur terrier à l’aide de chiens ; au terme de plusieurs heures à creuser à la pelle, la pioche et/ou la barre à mine pour les atteindre, les blaireaux sont tirés hors de terre à l’aide de pinces puis achevés à la hache ou à la dague quand ils ne sont pas laissés en pâture aux chiens.
Toute la vie sauvage associée qui s’abrite dans ces terriers se trouve également détruite ou désorganisée à l‘issue de cette opération barbare. De plus en plus de départements, dont certains depuis plusieurs années, n’autorisent plus aucune période complémentaire pour ce mode de chasse.
Notre groupe de 19 élu·e·s au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine demande instamment qu’il en soit de même dans le département du Lot-et-Garonne et que soit refusée la période complémentaire de vénerie sous terre.
Pour le groupe écologiste, solidaire et citoyen au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine,
Maryse Combres, conseillère régionale du Lot-et-Garonne
Nicolas Thierry, président du groupe