Contribution au monde d’après #04 – Réinvention du tourisme

Saurons-nous tirer les leçons de la crise sanitaire du COVID19, pour rendre le monde un peu meilleur qu’il ne l’était avant le confinement ?

Nous l’espérons, nous nous y engageons au quotidien. Pour donner à voir notre « monde d’après », plus écologique, plus résilient, vos élu·e·s prennent la plume ! Dans des tribunes libres, ils et elles évoquent des enjeux plus ou moins larges, qui se projettent à court terme ou à long terme, mais qui ont un point commun : celui de dessiner les évolutions à conduire dans notre Région, vers un avenir optimiste et porteur de solutions.

Comme nous l’avons écrit dans notre tribune « Pour une Nouvelle-Aquitaine résiliente » du 28 avril 2020, la période est historique et l’opportunité rare de réorienter les soutiens de la Région, avec des conditions permettant d’appliquer sans tergiverser les principes de Neoterra pour un plan de relance durable et soutenable.

Nous, groupe écologiste et citoyen de la région Nouvelle-Aquitaine, pensons nécessaire de co-construire ces politiques nouvelles entre les citoyens et les élu·e·s. Seule la confiance en cette intelligence collective répondra à l’impératif de résilience.

Les leviers à la portée de notre collectivité sont nombreux pour répondre à ces nouvelles aspirations : agriculture et alimentation, lycée, enseignement supérieur, économie, tourisme, déchets, énergie, culture, sport ou encore mobilités. Des outils au service d’une région résiliente et au service des victimes de la crise, nos concitoyens.

Contribution au monde d’après #04

Réinvention du tourisme

Pour un nouveau tourisme
Le tourisme mondial engendre 10% des gaz à effet de serre, accentuant le dérèglement climatique et l’effondrement du vivant. Trop souvent ce secteur économique a tendance à exercer une pression croissante sur les milieux naturels afin d’accueillir un nombre toujours plus important de touristes. 

La Nouvelle-Aquitaine ne saurait devenir demain le terrain de jeu mortifère du tourisme de masse. Maltraiter notre environnement par des comportements inconsidérés, c’est risquer de tarir la source que nous voulons défendre : un tourisme (étymologiquement faire le tour) à inventer qui permette de rencontrer d’autres cultures, d’autres modes de penser, de vivre, de rêver, voyages initiatiques, renaissance loin du consumérisme exacerbé…

Nous devons préserver notre bien commun aujourd’hui pour demain. La publicité dispendieuse des territoires pour attirer un nombre croissant de touristes correspond à des logiques obsolètes du siècle dernier : la concurrence est un leurre si on ne raisonne pas coopération et complémentarité des territoires. Les collectivités dilapident des budgets indécents  de promotion touristique pour tenter d’attirer une clientèle de plus en plus lointaine : nos territoires ne sont pourtant pas des marchandises à vendre, ils doivent rester complémentaires et devenir des espaces de coopération. 

Dans le secteur touristique comme ailleurs nous devons avoir une approche globale et transversale des enjeux environnementaux et sociétaux, les services écosystémiques impliquant de fait la solidarité écologique. 

Un tourisme non maîtrisé s’accompagne toujours de nouvelles autoroutes et de nouveaux aéroports (depuis la convention de Chicago de 1944, l’aviation est le seul secteur ne payant pas les taxes sur le carburant). Ce tourisme favorise la métropolisation, le bétonnage du littoral, la spéculation foncière et les pollutions qui touchent d’abord les plus précaires. Les citoyens ont d’ores et déjà compris que l’unique recherche de la rentabilité est incompatible avec la soutenabilité. Le secteur du tourisme Neo-Aquitain en sait les conséquences depuis des années : les grottes de Lascaux ont démontré que la fréquentation abusive mettait en péril notre patrimoine. 

La pression est également très grande sur le logement. On pense à ces territoires ou le nombre de résidences secondaires finit par être plus important que celui des résidences principales et qui rejettent toujours plus loin une grande partie de la population en particulier les jeunes actifs et globalement les plus modestes. 

Conserver une majorité de résidences principales et respecter la loi SRU est indispensable pour permettre de loger toutes les personnes qui remplissent tous les salariés du secteur. La vulnérabilité des hommes, des milieux et du modèle social, car là encore la précarité des hommes et des femmes se cache derrière les petites mains qui sont en première ligne.

La Région doit revoir ses objectifs affichés : comment maintenir le tourisme de masse sur nos côtes, alors que les mesures sanitaires nous imposent la distanciation physique et des  densités fortement limités sur les sites ?

Pourquoi encourager un tourisme irrespectueux des milieux quand on comprend que  la perte de la biodiversité a été une des causes de la pandémie ?

Jusqu’où encourager un tourisme événementiel et de divertissement devant l’annulation de tous les festivals et des grands événements de l’été ?

Comment promouvoir encore de nouvelles lignes LGV et des aéroports au détriment des mobilités douces et des intermodalités axées sur le ferroviaire ?  

Une politique régionale touristique responsable devra favoriser la transition écologique et sortir progressivement du tout pétrole, bref se décarboner. 

Nous devons réfléchir à une organisation et une vision soutenable de nos territoires en prenant compte notamment des marqueurs comme l’empreinte écologique et l’empreinte touristique. Ces marqueurs nouveaux devront être à terme intégrés dans toutes nos politiques. La Nouvelle-Aquitaine a pris en compte les impacts globaux du tourisme via une expérimentation sous l’égide de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Des actions concrètes de terrain devront suivre.

La prise en compte des impacts globaux du tourisme passera ainsi du stade de l’expérimentation à sa généralisation pour mesurer, comprendre et agir vraiment vers sa soutenabilité :

  • promouvoir le tourisme en milieu rural parce que c’est une force de la Nouvelle-Aquitaine : certaines zones rurales sont délaissées alors que le littoral est surpeuplé. Rééquilibrer les fréquentations pour soulager les territoires les plus menacés par la pression touristique au profit de ceux qui sont moins attrayants…
  • favoriser des destinations grandeur nature ; sur nos terres d’innovation, la perspective d’élaboration de nouveaux modèles est un merveilleux défi, intérêt d’être à l’écoute des initiatives (comme Tèzza aventura qui remporte un grand succès à la surprise des acteurs institutionnels du tourisme), valoriser des parcours éducatifs, des parcours mémoriels, partir des besoins et non construire des désirs, étaler la saison touristique, développer un tourisme de proximité.
  • valoriser certaines formes de tourisme aux dépens des autres et là aussi privilégier les circuits courts et la reconnexion et les liens avec le vivant ;
  • proposer des modes de transport doux et collectif en structurant la filière du cyclotourisme qui répond aux enjeux de notre siècle. 
  • préserver le patrimoine culturel et notamment les activités patrimoniales comme l’ostréiculture traditionnelle, la pêche artisanale, la sylviculture responsable, la polyculture respectueuse des écosystèmes, le pastoralisme… En plus d’être complémentaire (agro tourisme, pesca tourisme) et à la base des paysages, ce sont également autant d’activités source de diversification économique indispensables pour sortir de la dépendance au tourisme qui place les zones touristiques en grande difficulté face au COVID19.
  • développer les dispositifs style ColoSolidaires, pour aider la moitié des Néo-aquitainEs ne partant jamais en vacances ;  égalitaire et plus respectueux de l’environnement, le tourisme sera ainsi au cœur de nos actions pour vivre et faire vivre notre bien commun qui ne doit pas être considéré comme une marchandise, mais un précieux héritage à transmettre de génération en génération.  

En diminuant l’empreinte écologique du tourisme, en  modernisant le parc d’hébergement du tourisme social mais aussi en proposant un tourisme Zéro Carbone, nous bâtirons cette résilience des territoires comme le pilier fondateur de la future politique touristique de la Région Nouvelle-Aquitaine.  Ensemble construisons de nouvelles destinations vers la sobriété heureuse pour tous.

Vital Baude, conseiller régional, élu de la Gironde, délégué au littoral
Katia Bourdin, conseillère régionale, élue de la Charente-Maritime, Présidente commission Culture – Patrimoine – Identités régionales – Sports – Jeunesse – Solidarités – Handicap – Élue de territoire Ile-de-Ré / CA de la Rochelle / Aunis
Jean-Louis Pagès, conseiller régional, élu de la Haute-Vienne
Stéphane Trifiletti, conseiller régional, élu de la Charente-Maritime, Délégué à l’éducation à l’environnement