Intervention relative au Règlement d’Intervention Culture : fonds d’aide régional à la création et à la production cinématographiques et audiovisuelles

Par Katia Bourdin – Intervention en séance plénière du 13 février 2017.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les élu-es,

La Nouvelle-Aquitaine sera-t-elle une terre de cinéma ?

La réponse est oui, sans conteste, mais à quelles conditions, sur quel modèle ? L’ambition de ce dispositif est de répondre à cette question en prenant en compte les inquiétudes des professionnels qui attendaient ce nouveau règlement avec impatience.

La délibération numéro neuf que nous venons de voter avec fierté présente un accord-cadre ambitieux, qui fait de notre Région un véritable écosystème encourageant la création, la production, la post-production, la diffusion et bien sûr l’éducation à l’image, essentielle.

Le nouveau règlement du fond de soutien, que nous allons voter, est-il à la hauteur de ces engagements, n’est-il pas perfectible dans sa volonté d’inscrire la filière comme un véritable vecteur de développement économique sur l’ensemble de notre territoire, perfectible dans son inscription à la convention de l’Unesco sur la protection de la diversité culturelle, perfectible dans la mise en place d’une politique durable et responsable des impacts environnementaux des activités humaines ?

1 – Vous n’ignorez pas que notre Région a souhaité être la première à inscrire la notion de droits culturels dans la mise en place de ses dispositifs, et nous pouvons en être fiers et la commission culture se félicite d’avoir participé à cette sensibilisation. Nous nous sommes engagés, en effet, dans une démarche de co-construction et de co-évaluation des politiques culturelles régionales en adéquation avec l’article 103 de la loi Notre.

A l’image des annonces, ce dispositif est le fruit d’une véritable concertation qui a été menée par notre délégué à l’économie créative et aux droits culturels et les services avec brio, du mois de juin au mois d’octobre dernier.

Les écologistes, qui ont toujours défendu la place des acteurs et des citoyens dans la construction des politiques, se réjouissent de cette démarche mais s’interrogent sur l’adéquation entre le respect des droits culturels et la constitution de comités d’experts. Ces collèges qui auront pour objectif de choisir les projets retenus pourront-ils vraiment garantir une co-évaluation ? Ne serait-il pas possible d’ouvrir ses comités à des membres de la société civile, des membres du CESER, des regards extérieurs distanciés pour garantir une certaine forme d’objectivité dans les choix d’éligibilité ?

Les choix de ces comités sont déterminants, l’argent public investi constitue des sommes importantes, avoisinant 5,7 millions d’euros sur l’année 2016.

A la marge, sur cette question de la représentation des droits culturels, nous nous félicitons de la clause introduite pour exclure des projets éligibles, ceux qui encouragent à la violence ou à la discrimination.

Par ailleurs, peut-on envisager en contrepartie de ces soutiens, des engagements des bénéficiaires en faveur du compagnonnage, de l’émergence des nouveaux talents qui constitueront les richesses de demain ? Certaines Régions vont jusqu’à conditionner les aides aux producteurs à l’organisation de projection dans les lycées et des avant-première grand public.

2 – Mais le soutien à la filière cinéma doit aussi rimer avec le maillage de notre territoire qui ne doit pas seulement être considéré comme un beau décor pour les tournages, car nous sommes riches de savoir-faire de talent sur toute la chaîne de production et ce dispositif a le courage de privilégier les professionnels du territoire.

C’est important, des projets créateurs d’emplois attendent pour émerger, je pense par exemple au projet de post-production des studios Alhambra Rochefort porté par Christal record. Le maire de Rochefort, qui est dans l’hémicycle, pourrait vous dire quels sont les besoins et les attentes pour son territoire.

Sans entrer dans une posture chauviniste qui conditionnerait les aides, comme l’ont fait certaines Régions au « made in Nouvelle-Aquitaine », avec un concept encourageant la concurrence entre les Régions, nous devons garder à l’esprit que notre territoire est riche de savoir-faire et de talents qui ont du mal à passer le stade de la réalisation.

3 – Enfin, si le cinéma a connu sa révolution numérique, la virtualisation des images ne s’accompagne pas forcément d’une véritable dématérialisation et la filière cinéma génère à travers ses équipements, ses besoins en énergie des pollutions diverses et des éléments toxiques pas toujours maîtrisés.

A titre d’illustration, le secteur audiovisuel émet environ 1 million de tonnes équivalent CO2 dans l’atmosphère parmi lesquels un quart est directement lié à l’impact des tournages. Pour alléger l’empreinte écologique du secteur des solutions existent : l’ADEME par exemple propose un livre blanc, la commission européenne, elle-même, en 2008 à introduit un code de conduite pour data centre.

Afin de réduire les impacts écologiques et sociétaux, la profession a créé une charte d’ECOPROD que signent les professionnels qui sont engagés dans une démarche d’éco-responsabilité.

Concernant les aides aux entreprises nous avons introduit des critères d’éco-sociaux conditionnalités, et bien la filière cinéma ne doit pas en être exemptée et vous pouvez compter sur le groupe écologiste pour encourager des démarches vertueuses, participer à faire évoluer les pratiques en proposant, par exemple, des bonifications de subvention. Peut-on interroger le COPTEC pour nous aider sur ces questions ?

Voici exposés quelques éléments pour enrichir le débat sur cette question du développement de la filière en Région. Et si ce dispositif répond à la nécessité d’harmoniser les usages des 3 ex-Régions, aux inquiétudes de la profession, nous devons rester ambitieux dans le respect des droits de chacun, que ce soit le droit de travailler ou celui de participer à l’élaboration des politiques régionales et il est de notre devoir de soutenir les démarches éco-responsables pour les générations à venir.

Nous appelons donc de nos vœux que la création imminente d’une nouvelle agence du cinéma et du livre (votée le 19 décembre) s’empare de ces questions de gouvernance, d’empreinte écologique et d’équité de développement des territoires.

Nous devons construire ensemble des politiques régionales en faveur de la filière qui encourage évidemment une croissance innovante et durable, mais qui réfléchisse surtout à promouvoir un véritable écosystème néo-aquitains À l’image des recommandations que Jérôme Clément évoque dans l’urgence culturelle qui dit que « les collectivités locales joue déjà un rôle essentiel mais qu’elles doivent préserver la culture, ne pas l’instrumentaliser au profit d’intérêt locaux trop étroits et veiller à l’épanouissement des forces créatrices« .

Je vous remercie.

[Seul le prononcé fait foi]