Crise du lait : sauvons nos paysans pour sauver nos territoires
TRIBUNE
Les crises agricoles se succèdent, avec leurs cortèges de paysans et de fermes sacrifiés. Contrairement à ce que nos dirigeants veulent nous faire croire, ces crises ne sont ni inéluctables, ni simplement conjoncturelles. Elles s’inscrivent dans une restructuration forcenée de l’agriculture : une partie de la profession agricole et les firmes agro-alimentaires, soutenues par les différents gouvernements français, ont fait le pari fou de casser tous les outils de régulation de la production pour tenter l’aventure du grand marché mondial.
Ce marché, en Chine, en Russie et ailleurs, se caractérise par tous les dumpings sociaux et environnementaux. Progressivement les fermes d’Europe se transforment en usines, les paysans en ouvriers et les animaux en machines maltraitées. Les éleveurs se retrouvent en situation de grande précarité, placés entre le marteau de l’instabilité des prix sur les marchés d’exportation et l’enclume de l’instabilité tout aussi forte des cours de l’alimentation animale, principalement en provenance d’Amérique du Sud.
Pour celles et ceux qui, comme nous, se sont battus contre la fin des quotas, n’imaginions pas la brutalité et la rapidité de la déflagration.
La sortie de crise ne peut pas être d’arracher encore et toujours quelques nouveaux marchés à l’exportation. Elle ne peut en aucun cas se traduire par un affaissement des normes sociales, environnementales et sanitaires. Ce serait prendre le risque d’une rupture définitive de contrat entre les citoyens et les agriculteurs.
Pourtant, les plans d’aide à l’élevage comme les politiques agricoles participent de cette fuite en avant.
Les 1er et 2 septembre prochain, Stéphane Le Foll réunit ses collègues européens de l’agriculture au château de Chambord. Compte tenu de la gravité de la crise et de sa récurrence, le Ministre français de l’agriculture doit, pour une fois, oser faire des propositions courageuses pour sortir de l’impasse l’agriculture et ses milliers d’emplois paysans. Je considère qu’ils sont de trois ordres :
Un plan de diminution de la production laitière -et non des paysans-, en responsabilisant les surproducteurs. Si ce plan ne doit pas concerner les petits et moyens producteurs il doit être établi au prorata des volumes produits par exploitation sous la responsabilité des États.
Réorienter les plans de modernisation bâtiments, abondés par l’État et les Régions. Si la modernisation des bâtiments d’élevages est une nécessité pour amoindrir la pénibilité du travail en agriculture, ceux-ci ne doivent plus être des leviers à la mise en place de fermes usines responsables des surproductions, ruineuses et destructrices de l’équilibre des territoires.
La sortie de crise passera par une harmonisation européenne en réactivant les organisations communes de marché, ce qui signifie privilégier les débouchés européens rémunérateurs à partir de produits de qualité. Les fonds annoncés par le commissaire à l’agriculture pour faire du dumping, et favoriser les exportations vers des pays tiers, doivent êtres réorientés sur des filières à fortes valeurs ajoutées seul moyen pour construire un mécanisme de prix garanti rémunérateur, ce qu’attendent les producteurs.
L’accord entre Lactalis et les éleveurs offre un ballon d’oxygène provisoire, surtout aux plus gros producteurs, mais ne répond en rien à la crise structurelle.
Au moment où la France et l’Europe subissent des restrictions budgétaires drastiques, ce n’est pas plus d’argent public mal utilisé qui permettra de sortir de cette situation. Ce n’est plus en faisant semblant de défendre les petits éleveurs tout en finançant une folle fuite en avant que nous sauverons nos territoires. Nous avons besoin d’un nouveau souffle pour l’agriculture.
Des dirigeants européens avaient eu l’intelligence de réguler la production laitière. D’autres ont eu la stupidité de les casser.
Dans quel camp êtes-vous Monsieur le Ministre ?
Yannick Jadot – Député européen EELV du Grand-Ouest
René Louail – Ancien PP de la Confédération paysanne et président du groupe EELV au Conseil régional de Bretagne
François Dufour – Ancien PP de la Confédération paysanne et VP (EELV) à l’agriculture de la Région Basse-Normandie
Christophe Dougé – Élu régional (EELV) des Pays de la Loire, membre de la Commission agricole
Serge Morin – Ancien élu régional (EELV) Poitou-Charentes Vice-président à l’agriculture.
Charles Fournier – Vice-Président (EELV) délégué à la Démocratie, aux initiatives citoyennes, au développement rural, à la coopération et à l’égalité de la Région Centre-Val-de-Loire
Michèle Rivet – Présidente (EELV) de la Commission Développement économique, Economie Sociale et Solidaire, Agriculture de la Région Centre-Val-de-Loire
Jérôme Orvain – Conseiller régional (EELV) délégué à l’agriculture biologique et l’agroécologie de la Région Nouvelle-Aquitaine.