Contribution publique : Chasse au blaireau en Deux-sèvres
Courrier envoyé le 7 juin 2022, à l’attention de la Préfète des Deux-Sèvres et du Directeur départemental des territoires des Deux-Sèvres
Le groupe écologiste, solidaire et citoyen, composé de dix-neuf élu·e·s du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine tient à vous formuler ses observations dans le cadre de la consultation du public à laquelle est soumis votre projet d’arrêté relatif à l’ouverture et à la clôture de la chasse pour la période 2022-2023. Vos services ont publié une note de présentation du projet d’arrêté dont nous avons pris connaissance. Nous vous proposons ci-après des arguments complémentaires démontrant le caractère inopportun des dispositions relatives à l’autorisation de deux périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau, exposées dans l’article 1 de votre projet d’arrêté.
Au préalable, il convient de souligner la fragilité des populations de blaireaux. Les populations de blaireaux souffrent d’une mortalité accrue en raison de la disparition de leurs habitats, du trafic routier et d’une pression de chasse importante. La dynamique de population est faible et la mortalité juvénile importante. Concernant la population deux-sévrienne de blaireau, la note produite par vos services mentionne explicitement le manque de données fiables de recensement. Les données collectées par la Fédération Départementale des Chasseurs ne sauraient à ce titre se substituer à un véritable protocole scientifique. Ces données ne permettent pas d’identifier méthodiquement une quelconque évolution de la population de blaireaux dans le département des Deux-Sèvres. Nous rappelons par ailleurs que le blaireau est une espèce protégée par la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ratifiée par la France en 1990.
Par ailleurs, nous tenions à rappeler la cruauté de la vénerie sous terre. Cette forme de chasse consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens avant de les déterrer et de les
achever à la dague. Cette pratique soumet les animaux à un état de stress extrême pouvant durer plusieurs heures. En l’espèce, le projet d’arrêté soumis à la consultation du public vise à étendre la période de chasse du blaireau à partir du 15 mai, c’est-à-dire bien avant le sevrage des blaireautins. L’allaitement des blaireautins dure en effet jusqu’au 15 juin et ceux-ci restent dépendants
jusqu’à l’automne. L’extension de la chasse à une période au cours de laquelle les blaireautins sont présents dans les terriers est contraire à l’article L424-10 du Code de l’Environnement qui interdit la destruction des petits des espèces de mammifères chassables.
Nous tenions également à attirer votre attention sur le manque données fiables relatives aux dégâts imputables au blaireau. Les collisions routières, les dommages sur les cultures agricoles et les infrastructures sont peu documentés et les chiffres avancés par vos services sont, pour l’essentiel, issus de décomptes effectués par la Fédération Départementale des Chasseurs.
L’implication du blaireau n’est pas méthodiquement démontrée, notamment concernant les nuisances causées aux activités agricoles. Seule une expertise scientifique, fondée sur des observations rigoureuses et un décompte visant l’exhaustivité pourrait permettre d’éclairer convenablement la décision. Rappelons au demeurant que la régulation du blaireau a montré son inefficacité sur les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
De surcroît, l’importante biodiversité présente dans les terriers de blaireau doit être davantage considérée. Étendre la période de la vénerie sous terre du blaireau revient en effet à mettre en péril l’importante vie sauvage des terriers. Les dégradations massives et répétées des terriers nuit indéniablement aux espèces qui partagent les terriers occupés par le blaireau. Étendre sa période de pratique pourrait se révéler fatal pour les espèces cohabitantes.
Enfin, nous estimons que les mesures alternatives à la vénerie sous terre ne sont pas suffisamment considérées. Plutôt que d’opter pour l’extension de la période de chasse, plusieurs méthodes simples peuvent permettre de limiter largement les faibles dégâts causés par le blaireau : l’utilisation de produits répulsifs olfactifs sur les terriers ou à proximité des cultures et la mise à disposition de terriers artificiels permet un contrôle efficace des populations de blaireaux. Ces techniques sont largement documentées par les associations de protection de l’environnement et l’office national de la chasse.
Considérant l’ensemble de ces éléments, notre groupe de dix-neuf élu·e·s du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine estime que l’extension de la période de chasse du blaireau n’est pas justifiée. Nous rappelons par ailleurs que l’exercice récréatif de la chasse ne peut en aucun cas constituer un motif de dérogation à la Convention de Berne. Alors que de nombreux départements n’autorisent plus aucune période complémentaire pour ce mode de chasse, nous demandons qu’il en soit de même dans le département des Deux-Sèvres et que les dispositions de votre projet d’arrêté visant à autoriser deux périodes complémentaires de vénerie sous terre du blaireau n’aboutissent pas.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Préfète, Monsieur le directeur départemental des territoires, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Pour le groupe écologiste, solidaire et citoyen au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine,
Nicolas Gamache, conseiller régional des Deux-Sèvres
Nicolas Thierry, président du groupe