Contribution publique : Chasse au blaireau en Vienne
Courrier envoyé le 2 juin 2022, à l’attention du Préfet de la Vienne et du Directeur départemental des territoires de la Vienne
Le groupe écologiste, solidaire et citoyen, composé de dix-neuf élu·e·s du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine tient à vous formuler ses observations dans le cadre de la consultation du public à laquelle est soumis votre projet d’arrêté autorisant l’ouverture de périodes complémentaires de la vénerie sous terre du blaireau pour la campagne 2022-2023. Vos services ont publié une note exposant le contexte et les objectifs du projet d’arrêté, à laquelle est annexé un document produit par la Fédération Départementale des Chasseurs de la Vienne. Notre groupe d’élu·e·s vous propose ci-après des arguments complémentaires démontrant le caractère inopportun de ce projet d’arrêté.
Au préalable, il convient de souligner la fragilité des populations de blaireaux. Les populations de blaireaux sont fragiles et souffrent d’une mortalité accrue en raison de la disparition de leurs habitats, du trafic routier et d’une pression de chasse importante. La dynamique de population est faible et la mortalité juvénile importante. Nous rappelons à ce titre que le blaireau est une espèce protégée par la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ratifiée par la France en 1990. Pour le département de la Vienne, aucune donnée de comptage fiable ne permet d’observer une évolution de la population de blaireaux. La Fédération Départementale des Chasseurs de la Vienne a récemment entamé des opérations de comptages nocturnes dont elle juge les résultats inexploitables à ce stade si bien qu’aucune évolution de la population dans le département ne peut être identifiée à partir de ces données.
Par ailleurs, nous tenions à rappeler la cruauté de la vénerie sous terre. Cette forme de chasse consiste à acculer les blaireaux dans leur terrier à l’aide de chiens avant de les déterrer et de les achever à la dague. Cette pratique soumet les animaux à un état de stress extrême pouvant durer plusieurs heures.
En l’espèce, le projet d’arrêté soumis à la consultation du public vise à étendre la période de chasse du blaireau au mois de juin, c’est-à-dire avant le sevrage des blaireautins. L’allaitement des blaireautins dure en effet jusqu’au 15 juin et ceux-ci restent dépendants jusqu’à l’automne. L’extension de la chasse à une période au cours de laquelle les blaireautins sont présents dans les terriers est contraire à l’article L424-10 du Code de l’Environnement qui interdit la destruction des petits des espèces de mammifères chassables.
Nous tenions également à attirer votre attention sur le manque données fiables relatives aux dégâts imputables au blaireau. Les collisions routières, les dommages sur les cultures agricoles et les infrastructures sont peu documentés et aucune donnée fiable ne permet d’apporter un éclairage pertinent à la décision. Si la Fédération Départementale des Chasseurs de la Vienne fournit un travail de décompte de ces dégâts, celui-ci est pour le moment lacunaire.
La collecte des données a débuté en 2021 et repose pour l’essentiel sur des déclarations de chasseurs et d’agriculteurs, amenés à se souvenir des dégradations constatées sur les trois années écoulées. Ce décompte rétrospectif n’est pas fiable. Seule une expertise scientifique, fondée sur des observations rigoureuses et un décompte visant l’exhaustivité pourrait permettre d’éclairer convenablement la décision. Rappelons au demeurant que la régulation du blaireau a montré son inefficacité sur les éventuels dégâts causés sur les digues, routes ou ouvrages hydrauliques par le creusement des terriers, du fait de la place libérée par l’animal éliminé qui est très vite occupée par un autre individu.
De surcroît, l’importante biodiversité présente dans les terriers de blaireau doit être davantage considérée. Étendre la période de la vénerie sous terre du blaireau revient en effet à mettre en péril l’importante vie sauvage des terriers. Les dégradations massives et répétées des terriers nuit indéniablement aux espèces qui partagent les terriers occupés par le blaireau. Etendre sa période de pratique pourrait se révéler fatal pour les espèces cohabitantes.
Enfin, nous estimons que les mesures alternatives à la vénerie sous terre ne sont pas suffisamment considérées. Plutôt que d’opter pour l’extension de la période de chasse, plusieurs méthodes simples peuvent permettre de limiter largement les faibles dégâts causés par le blaireau : l’utilisation de produits répulsifs olfactifs sur les terriers ou à proximité des cultures et la mise à disposition de terriers artificiels permet un contrôle efficace des populations de blaireaux. Ces techniques sont largement documentées par les associations de protection de l’environnement et l’office national de la chasse.
Considérant l’ensemble de ces éléments, notre groupe de dix-neuf élu·e·s du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine estime que l’extension de la période de chasse du blaireau n’est pas justifiée. Nous rappelons par ailleurs que l’exercice récréatif de la chasse ne peut en aucun cas constituer un motif de dérogation. Alors que de nombreux départements n’autorisent plus aucune période complémentaire pour ce mode de chasse, nous demandons qu’il en soit de même en Vienne et que ce projet d’arrêté n’aboutisse pas.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, Monsieur le directeur départemental des territoires de la Vienne, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Pour le groupe écologiste, solidaire et citoyen au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine,
Christine Graval, conseillère régionale de la Vienne
Thierry Perreau, conseiller régional de la Vienne
Nicolas Thierry, président du groupe