Intervention de Stéphane Trifiletti : projets touristiques structurants en Pyrénées Atlantiques

Monsieur le président, cher.e.s collègues,
Cette délibération est une juxtaposition de 2 dossiers très différents. Une délibération séparée entre la SEM « Compagnie des Pyrénées » et le financement des investissements du petit train de la Rhune aurait été bien plus opératoire. C’est pourquoi, nous demandons un dégroupement de vote et des 2 parties de la délibération.
Concernant la Rhune nous trouvons cohérent que le Conseil régional accompagne le Département des Pyrénées-Atlantiques sur l’importante opération d’investissement du train de la Rhune.
Nous souhaitons néanmoins alerter sur la question de la massification touristique et sur la nécessaire régulation autour de ce joyau :

  • Nous aurions conseillé que le projet intègre la question du « Numérus clausus touristique » pour protéger cet espace sensible.
  • Nous aurions également souhaité (y compris à la vue du coût : total projet +20M€) une articulation autour d’une approche globale – requalification écologique amont et aval, notamment parkings – mobilités.

Concernant le 2ème volet de cette délibération cadre la SEM « Compagnie des Pyrénées », la participation à hauteur de 400 000 € de la région interroge à plus d’un titre.

Interrogation par rapport au modèle touristique et les valeurs de la montagne

Cette délibération évoque les “codes de la montagne” puis évoque très vite l’importance de positionner les Pyrénées sur l’échiquier européen. Hiatus : ce dernier objectif favorise l’ancrage dans un tourisme de masse longue distance incompatible justement avec les vrais codes de la montagne. Quid de nos engagements néoterriens visant l’atténuation des gaz à effet de serre ? Quid de l’adaptation d’un massif particulièrement impacté par le dérèglement climatique, NéoTerra, ni l’OPCC n’étant par ailleurs convoqués ?
En fait l’objet réel du  projet arrive enfin page 2 du protocole à la page 12 de la délibération : il s’agit d’une feuille de route commercialisation.
Les précédents de la « Compagnie des Alpes », modèle clairement convoqué via cette « Compagnie des Pyrénées » ont de quoi inquiéter !
Le pendant pyrénéen de la Compagnie des Alpes dépend lui aussi de la caisse des dépôts et consignations. Nous craignons que la SEM soit progressivement privatisée comme le fut la Compagnie des Alpes une fois balafrée les paysages et les investissements financiers parfois douteux hors Europe effectués. Ce tourisme mondialisé, déterritorialisée, productiviste est très loin justement des « codes » de la montagne.

Interrogations sur le montage financier, droit de véto et gouvernance

Sur le montage financier de la SEM
La gouvernance « public privé » élaboré avec la filière « Compagnie des Alpes management » 400 000 euros, 8,68 % du capital avec le département 64 : 15,25 %. En réalité, c’est la Caisse des Dépôts et la Région Occitanie qui auront la main disposant de 50,1 % du total.
Sur le droit de véto, l’article 6 du protocole questionne ; le diable se cachant souvent aussi dans les détails : « un droit de véto est consenti conjointement à la région Nouvelle-Aquitaine ET au conseil départemental des Pyrénées atlantiques » implique une vision partagée à moyen terme entre le département 64 et la Région. Comment en préjuger ?
Limite aussi par rapport à la question de la gouvernance : on parle d’un « groupe territorial composé des actionnaires » : seront-ils techniciens ou élu.e.s, quelle représentation démocratique réelle dans cette instance ?
La coquille de la page 2 de cette délibération 26 – version 2 pourrait être le résumé de notre malaise, car « La compagnie des Pyrénées » risque ne jamais être justement « La compagnie des Pyrénéens » et se révéler surtout, la coquille vide au service d’un développement exogène.
Une vraie « Compagnie des Pyrénéens pour les Pyrénées » pourrait, outre le tourisme soutenable toute saison :

  • Promouvoir les produits locaux de montagne en circuit-courts, vivre au pays et protéger l’agro-sylvo-pastoralisme qui maintient la qualité des paysages ;
  • Développer les solutions de mobilités durables ;
  • Questionner les activités « Outdoor » qui doivent rester dans la liste des possibles mais ne pas aboutir au seul consumérisme touristique en visant aussi une reconnexion avec la nature ;
  • Construire un nouveau modèle touristique santé – biodiversité ;
  • Imaginer les reconversions et les emplois de demain, par exemple la reconversion des emplois du ski à ceux du plein air : savoir-faire et savoir-être de la montagne l’hiver transposables à d’autres métiers de la montagne ou d’autres secteurs.

Bref, oser envisager, imaginer et inventer y compris le tourisme hivernal sans neige horizon 2040.
La montagne pyrénéenne est à ménager, à partager, à préserver, pas à vendre.
Je vous remercie.
[Seul le prononcé fait foi]