Contribution au monde d’après #03 – Construire aussi la résilience démocratique

Saurons-nous tirer les leçons de la crise sanitaire du COVID19, pour rendre le monde un peu meilleur qu’il ne l’était avant le confinement ?

Nous l’espérons, nous nous y engageons au quotidien. Pour donner à voir notre « monde d’après », plus écologique, plus résilient, vos élu·e·s prennent la plume ! Dans des tribunes libres, ils et elles évoquent des enjeux plus ou moins larges, qui se projettent à court terme ou à long terme, mais qui ont un point commun : celui de dessiner les évolutions à conduire dans notre Région, vers un avenir optimiste et porteur de solutions.

Comme nous l’avons écrit dans notre tribune « Pour une Nouvelle-Aquitaine résiliente » du 28 avril 2020, la période est historique et l’opportunité rare de réorienter les soutiens de la Région, avec des conditions permettant d’appliquer sans tergiverser les principes de Neoterra pour un plan de relance durable et soutenable.

Nous, groupe écologiste et citoyen de la région Nouvelle-Aquitaine, pensons nécessaire de co-construire ces politiques nouvelles entre les citoyens et les élu·e·s. Seule la confiance en cette intelligence collective répondra à l’impératif de résilience.

Les leviers à la portée de notre collectivité sont nombreux pour répondre à ces nouvelles aspirations : agriculture et alimentation, lycée, enseignement supérieur, économie, tourisme, déchets, énergie, culture, sport ou encore mobilités. Des outils au service d’une région résiliente et au service des victimes de la crise, nos concitoyens.

Contribution au monde d’après #03

Construire aussi la
résilience démocratique

La crise du COVID19 a révélé la fragilité de nos systèmes sanitaires, industriels, alimentaires, mais aussi démocratiques

Des pouvoirs très étendus ont été donnés au gouvernement, aux exécutifs locaux, bien prompts à s’en saisir et à revêtir le costume de « chef de guerre » que la situation leur offrait. Des mesures de confinement très contraignantes ont été prises sans concertation et des privations de libertés décidées sans procédure démocratique, sans contrôle sérieux de la régularité de leur application ; la « relance » elle-même se dessine à la va-vite et sans plus de consultations démocratiques que lorsque la gestion urgente de la crise semblait justifier de parer au plus pressé…
A se demander si le
coronavirus ne susciterait pas un effet d’aubaine.

En contexte de crise, un affaiblissement démocratique, une diminution des libertés, sont peut-être en partie temporairement inévitable ; mais le silence assourdissant d’une large partie de l’opinion publique pose question .

Face à la crise, nous semblons prostrés, habitués à nous en remettre aux « professionnels », aux chefs, voire aux militaires. On observe une quasi-absence de questionnement sur le bon dispositif de décision face à l’urgence sanitaire : qui évalue, qui décide ? Quelle place accordée au débat ? Quelle durée des dispositions exceptionnelles décidées ? Face aux impératifs sanitaires, la vie démocratique, les assemblées et les expressions politiques contradictoires semblent toutes reléguées au second plan.

Or, « c’est dans de tels contextes que la tentation mortifère de l’autoritarisme ressurgit et fait peser un risque majeur sur nos démocraties. Dans le contexte actuel, certains chercheurs peinent même à « distinguer les réponses des États démocratiques, des régimes autoritaires dans la gestion de cette crise »1.

Ce sont les signataires de la tribune « D’un plan de relance à un plan de transformation : la démocratie pour préparer le monde d’après » qui nous le rappellent, des scientifiques et des chercheurs – Cyril Dion ou Dominique Bourg -, des députés européens – Marie Toussaint ou Damien Carême-, mais aussi des responsables d’exécutifs locaux – Carole Delga, présidente de la Région Occitanie ou Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle.

La démocratie doit rester une revendication permanente, encouragée par une culture démocratique sans cesse renouvelée au sein des exécutifs, et ouverte aux citoyens.

 

C’est pourquoi la résilience que nous voulons construire pour nos territoires et notre Région, doit y inclure en premier lieu la démocratie. Construire la résilience démocratique, c’est s’assurer de la permanence de la démocratie et des libertés publiques, pour qu’une situation de crise ne puisse jamais les menacer. Et c’est bien dans les grands moments de crise, parce qu’elle est alors la plus fragile, que l’exigence de la démocratie doit être affirmée comme non négociable.

Les écologistes que nous sommes considérons donc que l’urgence écologique est aussi aujourd’hui une urgence démocratique. L’urgence de l’adaptation aux dérèglements écologiques, dès lors qu’ils se feront plus prégnants, appellera une réaction de plus en plus forte, qui laisse la porte ouverte à une prise en main des plus autoritaires. La mobilisation citoyenne est le levier majeur de réussite d’un projet de transition écologique, et les défis à relever sont tels que son appropriation par tous les citoyens sera indispensable pour réussir.

Le rapport AcclimaTerra y consacre deux chapitres entiers2, et illustre l’interdépendance profonde entre transition écologique et participation citoyenne.

« La participation du public à la décision et à l’action publique est indispensable au succès des politiques locales d’environnement, notamment sur le climat. Elle permet de passer d’une « adaptation-ajustement » à une « adaptation transformationnelle », c’est-à-dire visant une transition vers un système socioécologique durable. [Elle est] particulièrement cruciale aux échelles territoriales qui nous intéressent ici [régionale et infra-régionale]. »

Les écologistes proposent des pistes pour construire la résilience démocratique de nos institutions

  • Favoriser la culture démocratique dans la collectivité en impulsant un fonctionnement horizontal et décentralisé, qui responsabilise les élu.e.s ; encourager un débat démocratique vivace et sain ; associer la société civile aux décisions internes ; faire jaillir cette culture démocratique hors les murs de la collectivité, de manière transparente, ouverte sur le monde, notamment par des moyens de communication ambitieux (comme une stratégie d’open data régionale) pour témoigner de la vie de nos assemblées ; systématiser la concertation partenariale et citoyenne pour toutes les compétences de chaque collectivité, et en premier lieu pour les politiques écologiques impliquant les changements sociétaux les plus profonds.
  • Créer une Chambre régionale du Futur dotée d’un vrai pouvoir d’initiative pour proposer et animer des expérimentations territoriales en s’appuyant sur des conseils citoyen·e·s territoriaux, également capable de jouer le rôle de lanceuse d’alerte et de s’opposer aux décisions contraires à l’intérêt des générations à venir.
  • Soutenir toutes les démarches au service de l’innovation/la réappropriation démocratique sur les territoires ; favoriser dans nos rangs l’engagement des jeunes générations.
  • Intégrer la Continuité démocratique en cas de crise comme premier volet du Plan de Continuité de l’Activité des collectivités ; intégrer aux dispositifs démocratiques les technologies et les méthodes de démocratie à distance, dont beaucoup d’outils se sont développés à l’occasion de la crise du COVID ; anticiper la formation des agents et des élu.e.s.

 

La construction du « monde d’après » peut impulser ce nouvel élan démocratique. Ce « monde d’après » est si plein de défis, les choix qui sont faits aujourd’hui pour la relance auront des conséquences si globales, qu’il serait irresponsable de ne pas y associer le plus grand nombre. « Cette crise nous concerne tous et ne sera résolue que grâce à un effort commun, impliquant les citoyens dans la préparation et la prise de décision », nous disent les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat. Alors, on y va ?

Les élu·e·s du groupe écologiste et citoyen au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

1Samuel Hayat, Chargé de recherche CNRS dans « La démocratie à l’épreuve du Coronavirus »
2 Participation des citoyens à la conception des politiques et sensibilisation au changement climatique / Participation des citoyens à la mise en oeuvre de projets aux différentes échelles territoriales