Contribution au monde d’après #01 : pour des mobilités au service des besoins essentiels

Saurons-nous tirer les leçons de la crise sanitaire du COVID19, pour rendre le monde un peu meilleur qu’il ne l’était avant le confinement ?

Nous l’espérons, nous nous y engageons au quotidien. Pour donner à voir notre « monde d’après », plus écologique, plus résilient, vos élu·e·s prennent la plume ! Dans des tribunes libres, ils et elles évoquent des enjeux plus ou moins larges, qui se projettent à court terme ou à long terme, mais qui ont un point commun : celui de dessiner les évolutions à conduire dans notre Région, vers un avenir optimiste et porteur de solutions.

Comme nous l’avons écrit dans notre tribune « Pour une Nouvelle-Aquitaine résiliente » du 28 avril 2020, la période est historique et l’opportunité rare de réorienter les soutiens de la Région, avec des conditions permettant d’appliquer sans tergiverser les principes de Neoterra pour un plan de relance durable et soutenable. Nous, groupe écologiste et citoyen de la région Nouvelle-Aquitaine, pensons nécessaire de co-construire ces politiques nouvelles entre les citoyens et les élus. Seule la confiance en cette intelligence collective répondra à l’impératif de résilience.

Les leviers à la portée de notre collectivité sont nombreux pour répondre à ces nouvelles aspirations : agriculture et alimentation, lycée, enseignement supérieur, économie, tourisme, déchets, énergie, culture, sport ou encore mobilités. Des outils au service d’une région résiliente et au service des victimes de la crise, nos concitoyens.

Contribution au monde d’après #01

Pour des mobilités au service des besoins essentiels

Alors que la mobilité constitue l’un des marqueurs phares de notre société mondialisée, nous soumettant à toutes les injonctions qui l’accompagnent, nous vivons une crise dont l’une des caractéristiques principales a été l’impossibilité généralisée de se déplacer pour plus de la moitié de la planète. 

Pour y faire face, nous avons su tirer profit de cette mobilité moderne, avec tous ses atouts, la vitesse, les communications mondiales, en priorisant les usages pour répondre aux urgences sanitaires (coordonner les soins, les approvisionnements…). 

A l’échelle de notre vie politique, professionnelle, quotidienne, la place prise habituellement par les déplacements dans nos rues et dans nos emplois du temps nous a brusquement sauté aux yeux, autant que la réduction du bruit et de la pollution dans les agglomérations s’est révélée rapidement. Beaucoup de professionnels ont expérimenté le télétravail, se libérant ainsi du poids des déplacements, et les salariés comme leurs employeurs ont été invités à repenser le rapport au travail. Dans notre grande Région, l’absence de mobilité et les formats de réunion imposés semblent même avoir remis les territoires sur un pied d’égalité ! Enfin, alors que plus d’un million de Franciliens ont décidé de quitter la région au début du confinement, la crise interroge aussi nos choix relatifs à notre cadre de vie, de travail.

Néanmoins, il est impossible d’ignorer le rôle de catalyseur de l’épidémie qu’a joué la mobilité mondialisée, et, en miroir, l’épidémie a révélé l’interdépendance mondialisée de nos systèmes de mobilité, et surtout des systèmes approvisionnements en produits vitaux dont nous dépendons. Sans mobilité mondialisée, pas de sécurité alimentaire, pas de sécurité sanitaire, pour nous.

Ainsi, c’est au moment où la mobilité est entravée que l’on prend pleinement conscience de la place centrale qu’elle occupe dans nos modes de vie, nos territoires et nos économies. Se déplacer en période de pandémie est considéré comme dangereux ou impossible, mais sans déplacement, impossible d’assurer notre subsistance. Surtout, alors que l’immobilité maximale devrait permettre de lutter contre la pandémie, sans mobilité, ni les individus, ni les groupe, ni les collectivités, ne sont aujourd’hui en mesure d’assurer une auto-production suffisante.

Nous, écologistes, œuvrons à une société dans laquelle la production alimentaire et l’économie seront largement relocalisées. Si l’objectif est bien de réduire notre dépendance aux productions et aux mobilités mondialisées, assurer la mobilité des biens et des personnes fera toujours partie de nos besoins essentiels.

Ainsi, la crise actuelle, de par les choix qu’elle nous impose de faire à court terme pour soutenir la relance de l’économie, doit être abordée comme une opportunité pour construire des territoires à la fois bien reliés entre eux mais aussi suffisamment autonomes pour être résilients en cas de crise

Ainsi, à toutes les échelles, s’il pouvait y avoir un horizon au « monde d’après », ce serait celui de reprendre la main : sur notre économie, sur notre souveraineté en matière de biens essentiels. Ce qui ne peut s’envisager sans une mobilité au service de ce projet de société nouveau.

L’ambition est de nous rendre moins vulnérables tout d’abord, mais aussi de penser un futur plus désirable du point de vue de tout ce qui se rapporte à la mobilité : déplacements, rythmes de vie et de travail, organisation de notre territoire régional.

Comment engager la révolution de nos modes de déplacements ?

Dans l’immédiat, garder ce regard nouveau sur nos rythmes quotidiens, sur les territoires, en réduisant la distance comme un facteur d’inégalités.

Face à un mouvement centralisateur qui semblait jusqu’à présent une fatalité, entraînant avec lui de nombreuses inégalités territoriales, et si nous considérions les nouveaux comportements autorisés comme des acquis ? En gardant offerte la possibilité du télétravail, la visioconférence fonctionnelle, pensée pour le confort de chacun, par exemple. Dans le même temps, efforçons-nous politiquement de réduire les inégalités de connexions aux réseaux de communication, pour ne pas reproduire les difficultés liées aux inégalités d’accès à la mobilité territoriale. Et permettons ainsi aux salariés de ne plus avoir à choisir entre qualité de vie professionnelle, et confort de vie personnelle.

En réduisant les trajets domicile-travail, retrouvons l’autonomie de nos déplacements quotidiens, avec la marche et l’usage du vélo en premier lieu, moyens de transport autonomes s’il en est. Dans le contexte actuel, il s’agit des moyens de se déplacer qui limitent le plus à la fois les contaminations possibles et la contre-productivité inhérente aux modes rapides. Oublions le soutien à la voiture individuelle (nous a-t-elle vraiment manqué pendant cette période ?), qui est le symbole même de la contre-productivité, par la congestion, l’usage du pétrole et la diminution de l’activité physique de ses usagers qu’elle entraîne. 

S’engager pour des mobilités responsables, et sécurisées.

La crise l’a montré : maîtriser les mobilités, c’est contribuer à notre sécurité sanitaire et alimentaire. Retrouver de l’autonomie locale dans la maîtrise des mobilités est ainsi une urgence.

Le transport mondialisé est un contributeur majeur au dérèglement climatique, et cette considération justifie à elle-même de mettre tout en œuvre pour en réduire l’impact.

Mais de surcroît, en raison de sa dépendance quasi totale aux produits pétroliers et d’une forte hausse du besoin de mobilité, le secteur des transports pourrait représenter le premier risque à court terme pour les sociétés modernes en général, et pour notre territoire régional en particulier. La crise actuelle est née d’un problème sanitaire ; qu’en serait-il en cas de rupture d’approvisionnement en pétrole ? 

Ainsi, réduire l’impact environnemental de nos transports, c’est en même temps contribuer à leur résilience, à la résilience de nos systèmes.

Les normes sanitaires contraignantes pour le transport collectif disparaîtront progressivement : soutenons-le massivement pour enclencher un saut qualitatif une fois la crise passée, et un changement de réflexes de mobilité à l’heure où chacun envisage de faire évoluer ses pratiques dans « le monde d’après ». Le ferroviaire apparaît comme la solution de mobilité la plus responsable écologiquement, mais aussi plus égalitaire pour les territoires comme pour les personnes, au quotidien. Prioriser l’affectation des investissements majeurs aux transports ferroviaires du quotidien, fixer des objectifs ambitieux et exhaustifs en termes de dessertes ferroviaires pour les territoires ruraux, poursuivre la politique volontariste de la Région en ce sens, revendiquer le rôle de la locomotive régionale sur ces politiques : les pistes ne manquent pas.

En l’absence de transports en commun notamment pour les territoires ruraux , en s’appuyant sur le réseau de cars interurbains, les transports scolaires et le développement du transport à la demande permettre de donner accès aux plus fragiles un accès à la mobilité.

Pour le transport des marchandises, prioriser le fret ferroviaire, la restauration des voies navigables. Pour le dernier kilomètre, développer l’usage du vélo pour le transport de marchandise ou de voyageurs.

Pour conduire la transition, faire des choix, prioriser. 

Pour conduire la transition, souvenons-nous des enseignements de la crise actuelle : nous avons su prioriser les usages des moyens de transport, en hiérarchisant les enjeux. L’aide ponctuelle que nous a apporté la mobilité mondialisée ne saurait compenser les impacts sanitaires et écologiques dramatiques du transport international de masse. 

Comme toute politique écologiste, la priorité reste la sobriété des usages, des consommations notamment des consommations d’énergie liées aux mobilités. Pour chacun des niveaux de mobilité, en particulier la mobilité quotidienne et les voyages de plus longue distance, des choix, parfois douloureux, seront nécessaires, pour que le « monde d’après » soit à la hauteur des enjeux sociaux et écologiques. Et, là encore, les locomotives de ce changement doivent être les collectivités.

Par exemple, on défend souvent le maintien d’un aéroport local, déficitaire, au motif qu’il est aussi utile pour des usages sanitaires. Tous les enjeux ne se valent pas, différencions ce qui est prioritaire, et ce qui ne l’est pas. 

L’avion ne sera pas le transport de demain.

Qui dit mobilité dans notre Région dit secteur industriel majeur, pourvoyeur d’emplois et de ressources économiques, qui doit être pris en compte. Engager la transition des mobilités, c’est aussi embarquer les secteurs industriels dans le mouvement. La crise a aussi montré la fragilité de ces secteurs industriels, en particulier du secteur aéronautique, et la sécurité de long terme de ces industries et des emplois qui y sont liés ne saurait être garantie par une politique aveugle aux perspectives climatiques et politiques, reproduisant les mécanismes économiques du passé. Plutôt que renflouer automatiquement l’industrie aéronautique, en prenant le risque de son crash à plus ou moins long terme, anticipons, soyons visionnaires, accompagnons leur réorientation vers d’autres secteurs : d’autres secteurs industriels liés à la mobilité, comme le ferroviaire, mais aussi d’autres secteurs industriels dont la crise a révélé les lourdes carences nationales et régionales, comme la production de matériel sanitaire.

Léonore Moncond’huy, co-présidente du groupe écologiste à la Région Nouvelle-Aquitaine
Alice Leiciagueçahar, membre du GIA Infrastructures – Transports – Intermodalités – Mobilités de la Région Nouvelle-Aquitaine
Christine Seguinau, Présidente Commission Infrastructures – Transports – Intermodalités – Mobilités de la Région Nouvelle-Aquitaine
Thierry Perreau, membre du GIA Infrastructures – Transports – Intermodalités – Mobilités de la Région Nouvelle-Aquitaine