Tribune – Surf parks : une vague loin d’être parfaite
Tribune de Vital Baude, Conseiller régional élu de la Gironde délégué au littoral de la Région Nouvelle-Aquitaine publiée dans l'édition du journal Sud-Ouest du 11 novembre 2019
Piscine à vague à Castets, équipement sur lac en milieu naturel à Libourne, des projets de « Surf parks » à plusieurs millions d’euros fleurissent en Nouvelle-Aquitaine, pourtant haut lieu du surf en Europe. Objectif : permettre l’accès à des vagues artificielles en toutes saisons, moyennant paiement.
Au nom du marketing de la « vague parfaite », au nom de l’innovation technologique à tout prix et au prétexte de la création d’emplois, des promoteurs sont prêts à créer des gouffres énergétiques, à poursuivre l’artificialisation des sols ou des milieux aquatiques et à noyer l’esprit du surf dans la société de consommation.
Reproduire la puissance de la houle générée par des dépressions océaniques nécessite obligatoirement de conséquentes consommations énergétiques.
Or la transition énergétique ne pourra être réussie qu’en réduisant fortement nos consommations avant même de remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables.
Certains Surf parks sont des bassins créés de toute pièce, qui signifient toujours plus de bétonnage au détriment de terres agricoles ou d’espaces boisés. A l’heure où les jeunes paysans éprouvent de grandes difficultés pour accéder à des terres cultivables, le foncier agricole doit être préservé. Quant aux arbres, ils sont indispensables pour lutter contre le dérèglement climatique et les îlots de chaleur. Il est également urgent de mettre un coup d’arrêt à l’artificialisation des sols pour augmenter nos capacités de résilience aux événements climatiques extrêmes et pour stopper l’effondrement de la biodiversité.
De même quand il s’agit d’installer des vagues artificielles (et les activités qui vont avec) sur des plans d’eau existants, les écosystèmes sont fatalement impactés : nuisances sonores et sur-fréquentation humaine avec son lot de pollutions induites. Dans une période où les scientifiques nous alertent régulièrement sur l’effondrement de la biodiversité, il est au contraire indispensable de préserver, et même de reconquérir, tous les espaces possibles pour inverser cette tendance qui détériore la vie sur Terre.
Même si certains semblent, sur le papier, moins néfastes que d’autres, ces projets vont dans tous les cas à contre-courant des défis que nous devons relever et face auxquels le littoral est en première ligne.
De plus, avec l’augmentation inéluctable du prix de l’énergie dans les années à venir et la maintenance qu’ils nécessitent, ces parcs de loisirs risquent d’être de plus en plus couteux et donc inaccessibles aux plus modestes. Et quid de l’équilibre financier de ces entreprises à moyen et long terme ? Pas un euro d’argent public ne doit venir les financer. Les élus locaux ne doivent plus se laisser aveugler par le court terme et par l’argument de la création d’emplois au détriment de tout le reste, comme ils l’ont souvent fait dans les décennies précédentes.
Enfin, on peut s’inquiéter de voir ainsi littéralement dénaturer le surf, qui est tout sauf payer pour appuyer sur le bouton d’une machine pour démarrer une vague. C’est au contraire observer le vent et les conditions météorologiques qui annoncent une session. C’est attendre LA bonne vague, apprentissage de la patience et non pas obtention immédiate d’une prestation avec une carte bancaire. C’est se retrouver les pieds dans le sable après avoir franchi une dune, en respectant les espèces végétales et animales remarquables, plutôt que passer dans le pédiluve. C’est se préparer à affronter les éléments naturels après avoir analysé la situation des baïnes. C’est développer la solidarité lorsque l’on vient en aide à un baigneur surpris par les courants. C’est se rappeler qu’il y a d’autres êtres vivants en apercevant un banc de bars au ras de la surface plutôt que d’être dans une eau chlorée aseptisée.
C’est être connecté à la nature dans ce qu’elle a de plus beau, de plus fragile mais aussi de plus puissant : l’océan.