Tribune : Lettre aux riverain-e-s d’un projet de Center parcs

Le principe d’implantation d’un Center parcs s’appuie sur l’argumentaire bien rôdé de la fameuse attractivité des territoires. Pour les élus des territoires ruraux le tourisme apparaît souvent comme la seule ressource disponible et la création ex-nihilo d’une « attraction » clé en main, reconnue et créatrice d’emplois nécessairement locaux, une source miraculeuse jaillissant dans le désert.

Le projet mobilise de très importants fonds publics mais par essence très peu de fonds communaux ou intercommunaux, ce qui permet de faire tomber les résistances locales d’autant plus que la manne assurée de la taxe de séjour annuelle retombera vraiment au plus près du site retenu.

On achète donc une paix raisonnable, de l’argent public contre de l’emploi dans des zones peu concurrentielles. Le modèle est connu, éprouvé, on organise un peu de tension en jouant la concurrence des territoires, bref, la ficelle est grosse mais le désir reste intact : on peut aller et revenir au spectacle du magicien sans jamais se lasser. Ça, c’est la mécanique.

Des promesses…

On pourrait se révolter sur la dimension écologique de l’accaparement du site. Le site retenu ne sera pas nécessairement remarquable, il peut même être très ordinaire, on fabrique sur place ce lieu de vacances  protégées, hors d’atteinte des tracas du quotidien. C’est le but, on s’enferme dans un cocon sécurisé et confortable, à l’image de la bulle maintenue toute l’année à 29° pour offrir des conditions de baignade idéales. Toutes les précautions d’écologie marketing seront prises, on déplacera les crapauds qu’il faut, on replantera des arbres en compensation, le chauffage sera au bois, au biogaz… Tout sera irréprochable et mis en avant en tant qu’arguments nature…

Les travaux permettront une activité locale réelle le temps des travaux, les gîtes feront le plein pour loger les ouvriers, même votre caravane rouillée sous la grange trouvera un locataire, c’est  un Las Vegas éphémère qui s’installe sous vos yeux, la presse locale qui vous fixe en photo à chaque coup de pelle, c’est l’inauguration permanente, à douze derrière le ruban.

Et bien sûr arriveront les emplois. Différentes stratégies peuvent se succéder, la pire est celle du CDD à temps très partiel qui concerne le volume important des heures de ménage, arrivées des vendredis, départ des lundis, 9 heures hebdomadaires, impossible d’en vivre. Cette situation peut évoluer car Center parcs est un pragmatique, si il doit changer son modèle, il le change et proposera des emplois combinés plus attractifs…

Donc, bien arrosé par l’argent public, un Center parcs peut pousser à côté de chez vous. Il sera discret, il aura un bon taux de remplissage, il versera sa taxe mais…

Il ne permettra pas à ses vacanciers de sortir de son enceinte, ce n’est pas fait pour ça. Quelques crèmes anti-moustique achetées chez le pharmacien, quelques passages aux urgences pour une chute de vélo, la commande d’un taxi pour se rendre à une gare lointaine… Le Center parcs ne sera jamais un partenaire du développement local, il n’est pas dans sa philosophie d’être structurant et de s’associer à la qualification des personnels avec les acteurs du territoire, d’intégrer une réflexion des modes de déplacements des salariés. Center parcs ne consent qu’à ce qui a été âprement négocié au départ, ne connaît que le contrat et ignore la coopération.

Quels retours d’expérience dans les Center parcs déjà implantés ?

Si vous souhaitez un Center parcs, un seul conseil, enquêtez auprès des élus ayant participé à la réalisation d’un tel établissement, ils vous donneront des clefs de compréhension de la mécanique huilée qui va se mettre en œuvre, échangez avec des salariés qui ont fait ou vivent actuellement l’expérience, vous comprendrez ce qui doit être cadré pour une dynamique de qualification des ressources humaines de votre territoire, prenez attache avec les partenaires publics de l’emploi, Missions Locales, Pôle Emploi… N’oubliez pas les producteurs locaux, les fameux débouchés pour les agriculteurs, maraîchers, éleveurs, boulangers…

Si vous pensez qu’implanter un Center parcs est la meilleure solution touristique pour votre territoire en regard des sommes investies, qu’un centre de vacances hors sol générera une dynamique économique inespérée pour les habitants, prenez le risque d’écouter les conseils qui vous permettront d’engager une relation à égalité avec les négociateurs éprouvés du groupe Pierre et Vacances. Et alors, bonne chance.

Mais une dernière chose, sachez que vous allez créer une petite ville, discrète, mais gourmande en eau potable et généreuse en rejets et déchets. Cette seule question de la disponibilité en eau doit être l’objet d’une analyse intraitable.

Avez-vous les moyens de donner cette eau ? A qui la prenez-vous ? C’est une comptabilité vitale que vous engagez.

Plus qu’une aubaine, un Center parcs relève d’une concurrence pour l’économie locale, alors à quoi bon enfermer les touristes dans une bulle : libérons-les !

Thierry Perreau