Sauver la forêt millénaire de Rochechouart
Située à Rochechouart dans la Haute-Vienne, sur le territoire du Parc naturel régional Périgord-Limousin, la forêt de 40 hectares est probablement l’une des plus vieilles de la Région Nouvelle-Aquitaine. Elle abrite une faune et une flore extrêmement rares. Plusieurs espèces inscrites sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature y ont trouvé refuge : le sonneur à ventre jaune, le grand rhinolophe, la fauvette pitchou, la locustelle tachetée, l’engoulevent d’Europe.
Acte 1 : lanceur d’alerte
Courant février, Nicolas Thierry, vice-président en charge de l’environnement et de la biodiversité, apprend la vente imminente de la forêt de Rochechouard, promise à une exploitation industrielle du bois. Il lance alors l’alerte sur les réseaux sociaux (son post sur facebook est partagé près de 5000 fois) et il est très vite relayée par une forte mobilisation citoyenne.
La seule solution pour préserver cette forêt remarquable semble se trouver du côté des collectivités publiques : elles doivent se porter acquéreuses, afin de mettre en place une gestion durable et respectueuse des écosystèmes.
« Il est souhaitable que la Région, l’État et la commune de Rochechouart s’associent pour une gestion sur le long terme, une restauration et une préservation de ce site unique en terme de biodiversité. Cette gestion pourrait être assurée par le Conservatoire d’Espaces Naturels en partenariat avec la Commune de Rochechouart, le Parc naturel régional Périgord Limousin et la Région Nouvelle-Aquitaine », propose Nicolas Thierry.
Interrogé par France 3, Jean-Louis Pagès, conseiller régional de Haute-Vienne indique que « comme le temps presse, et afin de concrétiser cette acquisition, une opération de financement participatif vient d’être lancée par l’association «Vivre le Parc Périgord Limousin» pour aider au plus vite les pouvoirs publics à se substituer à l’actuel acheteur« .
En outre, le groupe écologiste s’engage à présenter dans les semaines à venir à l’assemblée de Nouvelle-Aquitaine une série de propositions afin que notre patrimoine naturel le plus remarquable fasse l’objet d’une protection renforcée.
Les écologistes se réjouissent dans un communiqué de presse de la mobilisation citoyenne autour de ce cas très emblématique qui témoigne que la biodiversité de nos terroirs est un bien commun à préserver.
Acte 2 : la contre offensive
L’alerte de Nicolas Thierry est largement relayée dans les médias :
- France 3 : Menaces sur la forêt de Rochechouart en Haute-Vienne
- Positivr : Haute-Vienne : rachetons et sauvons la forêt de Rochechouart
- Le Populaire du Centre : Ville et région mobilisées pour sauver la forêt millénaire de Rochechouart
- Radio Forum : Haute-Vienne : la forêt de Rochechouart est en danger
- Daily geek show : Cette forêt française millénaire est menacée par le rachat d’un exploitant forestier
- L’Écho de Haute Vienne : Sauver la forêt de Rochechouart !
- Revue Far Ouest : Rochechouart : forêt en danger
Face à la grande médiatisation de cette vente, le représentant du groupement forestier souhaitant acquérir les 40 hectares de la forêt Rochechouart contre-attaque en déclarant que la seule et unique priorité du groupement reste la biodiversité et qu’il ne compte pas faire coupe rase ou exploiter la forêt pour du bois de chauffage. (Voir le reportage de France 3 : Polémique autour de la forêt de Rochechouart : l’acquéreur réagit).
Une interview qui soulève deux interrogations chez Nicolas Thierry :
- Si la biodiversité est la priorité absolue de ce groupement forestier pourquoi vouloir empêcher les pouvoirs publics d’acquérir cet espace qui le déléguerait pour le siècle à venir au Conservatoire d’espaces naturels ? C’est de loin la solution la plus sécurisante sur le long terme. En effet, la pérennité de cette forêt ne peut pas reposer sur la bonne volonté d’une seule personne, aussi sincère soit-elle. Chacun peut comprendre que cette option serait trop fragile et hasardeuse sur le moyen et long terme.
- Si, pour des raisons qui me sont inconnues, le groupement forestier voulait absolument acquérir cet espace forestier (ce qui est à priori le cas), ce dernier peut-il s’engager à en déléguer la gestion intégrale et exclusive par bail emphytéotique de 99 ans au Conservatoire d’espaces naturels ? Cette garantie serait de nature à rassurer les citoyens sur le devenir de cette vieille forêt.
Pour notre vice-président à l’environnement et à la biodiversité, le message des pouvoirs publics est clair : « la filière bois est importante économiquement pour notre Région. Mais certains espaces sont précieux, uniques et doivent être l’objet d »une attention toute particulière. Le groupement forestier souhaite mettre en place un plan de gestion pour limiter l’impact sur la forêt. Les pouvoirs publics souhaitent que cette forêt soit laissée en paix et considérée comme une vraie réserve de biodiversité. On ne veut pas simplement limiter l’impact mais bien la soustraire à toute activité. C’est très différent » conclut-il.
Nicolas Thierry qui précise aussi qu’il a saisi l’État, par le biais du directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement pour que puisse être pris un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (APPB) concernant cette zone de 40 hectares. Plusieurs structures associatives vont faire de même dans les prochains jours. Il convient que « la balle est aussi maintenant dans le camp de l’État« .
Acte 3 : un triste épilogue ?
En dépit de la mobilisation citoyenne, de celle des élu·e·s et du Conservatoire d’espaces Naturels, de la mairie de Rochechouart, du Parc Naturel Régional et de l’association des Amis du Parc, le groupement forestier a acquis la forêt au début du mois de mars.
Amer, Nicolas Thierry avoue avoir « mené cette bataille jusqu’au bout, mobilisé tous les moyens qui étaient à [sa] disposition » et annonce qu’un « plan de gestion sera certainement proposé par le groupement forestier mais cela ne se substituera jamais à un travail de conservation mené sur le long terme par des naturalistes » tout en déplorant que « ce bien commun échappe a une acquisition publique qui garantissait une protection pour un siècle contre des ventes aléatoires et successives à des privés« .
Échaudé par cette séquence, notre vice-président souhaite lancer en urgence une identification de ces espaces en Nouvelle-Aquitaine et ne bénéficiant d’aucune protection, car martèle-t-il, « le scénario Rochechouart ne doit pas se reproduire. »